Analyses

La fortune sourit à ceux… qui l’ont déjà (décembre 2017)

Auteure : Chris­­­­­­­­­­­­­tine Stein­­­­­­­­­­­­­bach, Contrastes décembre 2017, p3 à 5

En 2013, le Forum écono­­­­­­­­­­­­­mique mondial décla­­­­­­­­­­­­­rait que les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés écono­­­­­­­­­­­­­miques crois­­­­­­­­­­­­­santes sont la prin­­­­­­­­­­­­­ci­­­­­­­­­­­­­pale menace pour la stabi­­­­­­­­­­­­­lité sociale.

Quatre ans plus tard, l’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­mie demeure toujours au service des 1%. L’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale en est un pilier. Mais aussi cette idée que seules les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés « exces­­­­­­­­­­­­­sives » sont problé­­­­­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­­­­­tiques.

En janvier dernier, à l’heure du tradi­­­­­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­­­­­nel sommet de l’élite poli­­­­­­­­­­­­­tique et écono­­­­­­­­­­­­­mique à Davos, l’ONG Oxfam publiait un rapport1 impla­­­­­­­­­­­­­cable : huit hommes possèdent à eux seuls autant que la moitié la plus pauvre de la popu­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­tion mondiale, compo­­­­­­­­­­­­­sée majo­­­­­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­­­­­tai­­­­­­­­­­­­­re­­­­­­­­­­­­­ment de femmes. Comme en 2015, l’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­mie reste litté­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­ment au service des 1% de super nantis qui possèdent autant de richesses que le reste de la planète. Et si les écarts se sont un peu réduits entre les pays, c’est surtout le fait d’une crois­­­­­­­­­­­­­sance de quelques pays émer­­­­­­­­­­­­­gents.

Par contre, au sein même des pays, les écarts se creusent et atteignent des sommets qui nous ramènent un siècle en arrière.

L’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­mie des super-milliar­­­­­­­­­­­­­daires

La richesse s’en­­­­­­­­­­­­­toure d’un voile d’opa­­­­­­­­­­­­­cité. En Belgique où le secret bancaire est toujours d’ac­­­­­­­­­­­­­tua­­­­­­­­­­­­­lité, on ne le sait que trop. Pour établir ses calculs, Oxfam ne dispose que des données four­­­­­­­­­­­­­nies par le Crédit suisse pour son « global wealth data­­­­­­­­­­­­­book » (rapport sur la richesse mondiale) de 2016. Selon ces données de base, les huit hommes les plus fortu­­­­­­­­­­­­­nés du monde (ceux du clas­­­­­­­­­­­­­se­­­­­­­­­­­­­ment Forbes) possèdent autant de richesses que les 3,6 milliards les plus pauvres de la planète. Cet écart s’avère beau­­­­­­­­­­­­­coup plus impor­­­­­­­­­­­­­tant qu’on ne s’y atten­­­­­­­­­­­­­dait.

Surtout parce que, compte tenu de données prove­­­­­­­­­­­­­nant d’Inde et de Chine, on s’est aperçu que la moitié la plus pauvre possède moins qu’on ne pensait.

Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette aggra­­­­­­­­­­­­­va­­­­­­­­­­­­­tion des inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés ? La rému­­­­­­­­­­­­­né­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­tion du capi­­­­­­­­­­­­­tal est évidem­­­­­­­­­­­­­ment en cause. Pour maxi­­­­­­­­­­­­­mi­­­­­­­­­­­­­ser celle-ci et verser les divi­­­­­­­­­­­­­dendes atten­­­­­­­­­­­­­dus à leurs action­­­­­­­­­­­­­naires, les grandes entre­­­­­­­­­­­­­prises font pres­­­­­­­­­­­­­sion sur les produc­­­­­­­­­­­­­teurs à la base de la chaîne d’ap­­­­­­­­­­­­­pro­­­­­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­­­­­sion­­­­­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­­­­­ment.

Par exemple, note Oxfam, les produc­­­­­­­­­­­­­teurs de cacao qui perce­­­­­­­­­­­­­vaient 18% de la valeur d’une barre de choco­­­­­­­­­­­­­lat dans les années ‘80, n’en perçoivent plus que 6% actuel­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­ment. La pres­­­­­­­­­­­­­sion sur les salaires, le recours au travail forcé, voire à l’es­­­­­­­­­­­­­cla­­­­­­­­­­­­­vage sont utili­­­­­­­­­­­­­sés dans le même but.

Un lobbying intense pour influen­­­­­­­­­­­­­cer les légis­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­tions voire des élec­­­­­­­­­­­­­tions, dans un sens qui leur est favo­­­­­­­­­­­­­rable, est égale­­­­­­­­­­­­­ment à l’oeuvre. De même que la corrup­­­­­­­­­­­­­tion : « A eux seuls, les pots-de-vin coûtent annuel­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­ment plus de 1.500 milliards de dollars à l’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­mie  » dénonce Chris­­­­­­­­­­­­­tine Lagarde, direc­­­­­­­­­­­­­trice du Fonds moné­­­­­­­­­­­­­taire inter­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­­­­­nal (FMI). Soit près de 2% du PIB mondial !2

Et puis il y a la pratique de l’élu­­­­­­­­­­­­­de­­­­­­­­­­­­­ment de l’im­­­­­­­­­­­­­pôt et de l’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale. Grandes entre­­­­­­­­­­­­­prises et grandes fortunes se servent d’un réseau de para­­­­­­­­­­­­­dis fiscaux pour éviter l’im­­­­­­­­­­­­­pôt et d’une pléthore de gestion­­­­­­­­­­­­­naires pour « opti­­­­­­­­­­­­­mi­­­­­­­­­­­­­ser » le rende­­­­­­­­­­­­­ment de leur patri­­­­­­­­­­­­­moine.

Le nouvel « âge d’or » des rentiers

La fortune de Bill Gates a augmenté de 50% en seule­­­­­­­­­­­­­ment dix ans (2006–2016). « Les plus fortu­­­­­­­­­­­­­nés, note Oxfam, accu­­­­­­­­­­­­­mulent les richesses à un tel rythme que le premier « super-milliar­­­­­­­­­­­­­daire » du monde pour­­­­­­­­­­­­­rait voir son patri­­­­­­­­­­­­­moine dépas­­­­­­­­­­­­­ser 1.000 milliards dans 25 ans à peine  ». Il est diffi­­­­­­­­­­­­­cile d’ima­­­­­­­­­­­­­gi­­­­­­­­­­­­­ner quel train de vie cela repré­­­­­­­­­­­­­sente. En fait, il faudrait débour­­­­­­­­­­­­­ser chaque jour un million de dollars pendant 2.738 ans pour dépen­­­­­­­­­­­­­ser ce millier de milliards !

Or, ces fortunes colos­­­­­­­­­­­­­sales ne sont pas simple­­­­­­­­­­­­­ment le fruit mérité du labeur. Elles sont aussi le résul­­­­­­­­­­­­­tat de choix poli­­­­­­­­­­­­­tiques qui ont favo­­­­­­­­­­­­­risé leur concen­­­­­­­­­­­­­tra­­­­­­­­­­­­­tion. Dans son ouvrage « Le capi­­­­­­­­­­­­­tal au 21e siècle », l’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­miste Thomas Piketty démontre combien le système capi­­­­­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­­­­­liste est voué à fabriquer les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés de richesses de manière expo­­­­­­­­­­­­­nen­­­­­­­­­­­­­tielle. Cela tient au fond à une loi simple : les reve­­­­­­­­­­­­­nus des place­­­­­­­­­­­­­ments croissent toujours plus vite que les salaires. D’au­­­­­­­­­­­­­tant plus vite si la crois­­­­­­­­­­­­­sance écono­­­­­­­­­­­­­mique est faible. Et si les poli­­­­­­­­­­­­­tiques mises en oeuvre brident l’in­­­­­­­­­­­­­fla­­­­­­­­­­­­­tion, fragi­­­­­­­­­­­­­lisent ou refusent d’ins­­­­­­­­­­­­­tau­­­­­­­­­­­­­rer un salaire mini­­­­­­­­­­­­­mum garanti, et réduisent la progres­­­­­­­­­­­­­si­­­­­­­­­­­­­vité de l’im­­­­­­­­­­­­­pôt. Selon le FMI, dans les pays de l’OCDE, le taux margi­­­­­­­­­­­­­nal d’im­­­­­­­­­­­­­pôt sur les reve­­­­­­­­­­­­­nus les plus élevés est passé de 62% en moyenne à 35% entre 1981 et 2015. Piketty estime que, pour le patri­­­­­­­­­­­­­moine, il se situe en dessous de 30% en Occi­dent.

Résul­­­­­­­­­­­­­tat : depuis trente ans, on assiste à une recon­­­­­­­­­­­­­cen­­­­­­­­­­­­­tra­­­­­­­­­­­­­tion des patri­­­­­­­­­­­­­moines. Cette dyna­­­­­­­­­­­­­mique est expo­­­­­­­­­­­­­nen­­­­­­­­­­­­­tielle. Au-delà d’un certain volume, la fortune se repro­­­­­­­­­­­­­duit toute seule. Et la géné­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­tion suivante en hérite. Selon Piketty, ces fortunes héri­­­­­­­­­­­­­tées repré­­­­­­­­­­­­­sentent aujourd’­­­­­­­­­­­­­hui 70% de la valeur des patri­­­­­­­­­­­­­moines en France, contre 45% en 1970. Ce qui entraîne un double écart. D’abord entre les géné­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­tions : 13% des personnes nées en 1970–80 héri­­­­­­­­­­­­­te­­­­­­­­­­­­­ront de l’équi­­­­­­­­­­­­­valent d’une vie de travail, contre 2% de la géné­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­tion

1910–1930. Et puis entre les personnes : plus de 1 sur 10 héri­­­­­­­­­­­­­tera d’un montant au moins équi­­­­­­­­­­­­­valent à ce que les 50% qui n’hé­­­­­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­­­­­te­­­­­­­­­­­­­ront rien ou presque, gagnent sur toute leur vie. Aussi Piketty plaide-t-il pour l’ins­­­­­­­­­­­­­tau­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­tion d’un impôt mondial de soli­­­­­­­­­­­­­da­­­­­­­­­­­­­rité sur la fortune.

Le poids de l’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale

Le 6 novembre dernier, un nouveau scan­­­­­­­­­­­­­dale d’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale était révélé. Les « Para­­­­­­­­­­­­­dise Papers » sont le fruit d’un travail d’in­­­­­­­­­­­­­ves­­­­­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­­­­­ga­­­­­­­­­­­­­tion mené par plus de 200 jour­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­­­­­listes au sein d’un consor­­­­­­­­­­­­­tium mondial de 96 médias. L’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale est un facteur clé du creu­­­­­­­­­­­­­se­­­­­­­­­­­­­ment des inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés.

Gabriel Zucman, prof d’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­mie français à l’uni­­­­­­­­­­­­­ver­­­­­­­­­­­­­sité de Berke­­­­­­­­­­­­­ley en Cali­­­­­­­­­­­­­for­­­­­­­­­­­­­nie, estime que sur le plan mondial, l’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale engendre une perte de l’ordre de 350 milliards chaque année. Pour les pays pauvres, Oxfam évalue le coût à 100 milliards de dollars chaque année. Le chiffre semblera moins abstrait si l’on sait que cette somme permet­­­­­­­­­­­­­trait de scola­­­­­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­­­­­ser 124 millions d’en­­­­­­­­­­­­­fants qui n’ont toujours pas accès à l’édu­­­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­­­tion.
La perte due à l’évi­­­­­­­­­­­­­te­­­­­­­­­­­­­ment de l’im­­­­­­­­­­­­­pôt ou à l’éva­­­­­­­­­­­­­sion fiscale est deux fois plus lourde à suppor­­­­­­­­­­­­­ter en moyenne dans les pays dits en déve­­­­­­­­­­­­­lop­­­­­­­­­­­­­pe­­­­­­­­­­­­­ment, où elle pèse 16% du PIB, que dans les pays dits avan­­­­­­­­­­­­­cés (8%). Des entre­­­­­­­­­­­­­prises étran­­­­­­­­­­­­­gères dont la société mère se trouve en Europe, en Chine ou aux USA, et qui cherchent à implan­­­­­­­­­­­­­ter une filiale, commencent par mettre deux ou trois pays en concur­­­­­­­­­­­­­rence en récla­­­­­­­­­­­­­mant des « fisc holi­­­­­­­­­­­­­days » (vacances fiscales). Le « moins-disant » fiscal l’em­­­­­­­­­­­­­por­­­­­­­­­­­­­tera.
Le recours aux para­­­­­­­­­­­­­dis fiscaux est égale­­­­­­­­­­­­­ment courant. Ces entre­­­­­­­­­­­­­prises ne contri­­­­­­­­­­­­­buent donc pas aux efforts déployés tant bien que mal pour amélio­­­­­­­­­­­­­rer l’ac­­­­­­­­­­­­­cès aux soins de santé ou à l’édu­­­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­­­tion des popu­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­tions auto­­­­­­­­­­­­ch­­­­­­­­­­­­­tones, dans les Etats où elles exploitent pour­­­­­­­­­­­­­tant les ressources pour pouvoir faire des profits.

L’Oc­­­­­­­­­­­­­ci­dent doit cesser de proté­­­­­­­­­­­­­ger l’évi­­­­­­­­­­­­­te­­­­­­­­­­­­­ment des taxes

Le conti­nent afri­­­­­­­­­­­­­cain est parti­­­­­­­­­­­­­cu­­­­­­­­­­­­­liè­­­­­­­­­­­­­re­­­­­­­­­­­­­ment touché par cette fuite illi­­­­­­­­­­­­­cite des capi­­­­­­­­­­­­­taux. Il perd chaque année entre 30 et 60 milliards. Selon les cher­­­­­­­­­­­­­cheurs du « Panel de haut niveau sur les flux finan­­­­­­­­­­­­­ciers illi­­­­­­­­­­­­­cites en prove­­­­­­­­­­­­­nance d’Afrique »3, ce chiffre est une esti­­­­­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­­­­­tion basse. L’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­miste Léonce Ndiku­­­­­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­­­­­na4 pointe un manque aigu de moyens tech­­­­­­­­­­­­­niques et humains. Mais surtout, il rappelle que les pays afri­­­­­­­­­­­­­cains voient leurs ressources – dont le pétrole – exploi­­­­­­­­­­­­­tées surtout par des (grosses) entre­­­­­­­­­­­­­prises étran­­­­­­­­­­­­­gè­­­­­­­­­­­­­res5. « Non seule­­­­­­­­­­­­­ment l’Afrique ne béné­­­­­­­­­­­­­fi­­­­­­­­­­­­­cie pas des fruits du capi­­­­­­­­­­­­­tal investi dans les mines et le pétrole, puisque le profit est rapa­­­­­­­­­­­­­trié dans les pays d’ori­­­­­­­­­­­­­gine […] Mais en plus il y a très peu d’ef­­­­­­­­­­­­­fets induits au niveau de l’éco­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­mie natio­­­­­­­­­­­­­nale, étant donné que les compa­­­­­­­­­­­­­gnies extrac­­­­­­­­­­­­­tives, qui sont étran­­­­­­­­­­­­­gères, réin­­­­­­­­­­­­­ves­­­­­­­­­­­­­tissent très peu sur place  ». Souvent plus fortes écono­­­­­­­­­­­­­mique­­­­­­­­­­­­­ment que les pays où elles s’im­­­­­­­­­­­­­plantent, ces entre­­­­­­­­­­­­­prises sont outillées pour élabo­­­­­­­­­­­­­rer leurs rapports et se défendre en justice.

Elles sont aussi soute­­­­­­­­­­­­­nues par leur pays d’ori­­­­­­­­­­­­­gine : « Les gouver­­­­­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­­­­­ments afri­­­­­­­­­­­­­cains ont affaire aux entre­­­­­­­­­­­­­prises mais aussi aux gouver­­­­­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­­­­­ments des pays dont elles sont origi­­­­­­­­­­­­­naires.
Cela veut dire que la gouver­­­­­­­­­­­­­nance mondiale actuelle est elle-même un problème  ». Pour Léonce Ndiku­­­­­­­­­­­­­mana, la créa­­­­­­­­­­­­­tion du Panel, et le fait que les Nations Unies recon­­­­­­­­­­­­­naissent que la fuite des capi­­­­­­­­­­­­­taux est un énorme frein au déve­­­­­­­­­­­­­lop­­­­­­­­­­­­­pe­­­­­­­­­­­­­ment, repré­­­­­­­­­­­­­sentent des avan­­­­­­­­­­­­­cées.
Mais il plaide aussi pour que l’Oc­­­­­­­­­­­­­ci­dent s’ef­­­­­­­­­­­­­force de « disci­­­­­­­­­­­­­pli­­­­­­­­­­­­­ner » ses entre­­­­­­­­­­­­­prises : « les pays sont hypo­­­­­­­­­­­­­crites lorsqu’ils disent « on va vous aider » en donnant un peu d’aide finan­­­­­­­­­­­­­cière, au lieu de dire « on va vous aider en bloquant à nos compa­­­­­­­­­­­­­gnies les possi­­­­­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés d’évi­­­­­­­­­­­­­ter les taxes »  ».

Les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés frac­­­­­­­­­­­­­turent les socié­­­­­­­­­­­­­tés

Winnie Byanyima, direc­­­­­­­­­­­­­trice géné­­­­­­­­­­­­­rale Oxfam inter­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­­­­­nal, prévient : « Les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés enferment des centaines de millions de personnes dans la pauvreté, frac­­­­­­­­­­­­­turent les socié­­­­­­­­­­­­­tés et affai­­­­­­­­­­­­­blissent la démo­­­­­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­­­­­tie  ». Richard Wilkin­­­­­­­­­­­­­son a démon­­­­­­­­­­­­­tré que la misère de « statut » est plus insup­­­­­­­­­­­­­por­­­­­­­­­­­­­table encore que la misère de condi­­­­­­­­­­­­­tion. Parce qu’il est par-dessus tout pénible de se sentir exclu de la commu­­­­­­­­­­­­­nauté, traité comme surnu­­­­­­­­­­­­­mé­­­­­­­­­­­­­raire. Plus prag­­­­­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­­­­­tique­­­­­­­­­­­­­ment, les élites se sont aperçu que la concen­­­­­­­­­­­­­tra­­­­­­­­­­­­­tion des richesses est en réalité un frein à la crois­­­­­­­­­­­­­sance et non un moteur.

Le FMI a donc commencé à plai­­­­­­­­­­­­­der pour taxer davan­­­­­­­­­­­­­tage les plus riches. Mais… prudem­­­­­­­­­­­­­ment :
« Nous savons tous qu’il convient de lutter contre les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés exces­­­­­­­­­­­­­sives. Mais nous savons aussi qu’un certain niveau d’iné­­­­­­­­­­­­­ga­­­­­­­­­­­­­lité est stimu­­­­­­­­­­­­­lant et utile. Il encou­­­­­­­­­­­­­rage la concur­­­­­­­­­­­­­rence, l’in­­­­­­­­­­­­­no­­­­­­­­­­­­­va­­­­­­­­­­­­­tion ou l’in­­­­­­­­­­­­­ves­­­­­­­­­­­­­tis­­­­­­­­­­­­­se­­­­­­­­­­­­­ment…  ». Et d’ajou­­­­­­­­­­­­­ter : « En d’autres termes, se démarquer des autres est un moteur essen­­­­­­­­­­­­­tiel de la pros­­­­­­­­­­­­­pé­­­­­­­­­­­­­rité  »6. Alors on peut se le deman­­­­­­­­­­­­­der : quels seront les moyens vrai­­­­­­­­­­­­­ment mis en oeuvre pour amélio­­­­­­­­­­­­­rer ne serait- ce que la redis­­­­­­­­­­­­­tri­­­­­­­­­­­­­bu­­­­­­­­­­­­­tion si le socle de valeurs reste inchangé ? Nos jour­­­­­­­­­­­­­naux font la publi­­­­­­­­­­­­­cité pour des outils d’op­­­­­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­­­­­mi­­­­­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­­­­­tion fiscale. Nos lote­­­­­­­­­­­­­ries nous invitent à deve­­­­­­­­­­­­­nir « scan­­­­­­­­­­­­­da­­­­­­­­­­­­­leu­­­­­­­­­­­­­se­­­­­­­­­­­­­ment riches ». Sans parler des réformes fiscales façon Trump, Michel ou Macron. Pour chan­­­­­­­­­­­­­ger la donne, ce n’est pas de prudence que nous avons besoin, mais de courage. Oser recon­­­­­­­­­­­­­naître que les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés socio-écono­­­­­­­­­­­­­miques sont mères du « pire des mondes ». Et se donner les moyens d’un nouveau pacte social, au-delà des fron­­­­­­­­­­­­­tières dépas­­­­­­­­­­­­­sées des Etats.

  1. « Une écono­­­­­­­­­­­­­mie au service des 99% », publié par Oxfam, 16 janvier 2017. Dispo­­­­­­­­­­­­­nible sur www.oxfam.org
  2. Lagarde Chris­­­­­­­­­­­­­tine, « Vers une reprise plus pérenne qui profite à tous », allo­­­­­­­­­­­­­cu­­­­­­­­­­­­­tion lors de la séance de l’as­­­­­­­­­­­­­sem­­­­­­­­­­­­­blée annuelle, 13 octobre 2017
  3. Ce groupe a été mis sur pied en 2012 conjoin­­­­­­­­­­­­­te­­­­­­­­­­­­­ment par la Commis­­­­­­­­­­­­­sion écono­­­­­­­­­­­­­mique des Nations Unies pour l’Afrique et par la Commis­­­­­­­­­­­­­sion de l’Union afri­­­­­­­­­­­­­caine
  4. Pigeaud Fanny, « L’Afrique lour­­­­­­­­­­­­­de­­­­­­­­­­­­­ment handi­­­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­­­pée par la fuite des capi­­­­­­­­­­­­­taux », Média­­­­­­­­­­­­­part, publié en ligne le 8 novembre 2017
  5. Contrai­­­­­­­­­­­­­re­­­­­­­­­­­­­ment au Moyen-Orient où la plupart des entre­­­­­­­­­­­­­prises sont natio­­­­­­­­­­­­­nales
  6. Lagarde Chris­­­­­­­­­­­­­tine, « La marée montante doit aussi porter les plus petites embar­­­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­­­tions », allo­­­­­­­­­­­­­cu­­­­­­­­­­­­­tion lors des grandes confé­­­­­­­­­­­­­rences catho­­­­­­­­­­­­­liques, 15 juin 2015

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