Analyses

Quand inter­net brouille les cartes de l’in­for­ma­tion (février 2017)

Auteure : Clau­­­­­dia Bene­­­­­detto, Contrastes février 2017, p6 à 9

Fake news, intox, rumeurs… circulent sur la toile. Nous pouvons tous aujourd’­­­­­­­­­hui diffu­­­­­­­­­ser une infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion mais sommes-nous tous pour autant quali­­­­­­­­­fiés pour le faire ? Le jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste doit faire face à un nouvel enjeu crucial : pour la première fois dans l’his­­­­­­­­­toire, il n’est plus perçu comme le seul gardien de l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion. Il doit faire face à une crise de légi­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­mité, à une méfiance du public vis-à-vis de sa fonc­­­­­­­­­tion. Mais comment en sommes-nous arri­­­­­­­­­vés là ?

Les théo­­­­­­­­­ries du complot et autres rumeurs ont toujours existé. Il est vrai que l’ar­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­vée d’in­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­net a permis notam­­­­­­­­­ment à ces théo­­­­­­­­­ries de toucher un public plus large mais il n’em­­­­­­­­­pêche qu’elles exis­­­­­­­­­taient déjà. En revanche, ce qui est nouveau, c’est qu’un haut repré­­­­­­­­­sen­­­­­­­­­tant comme le président des Etats-Unis affiche clai­­­­­­­­­re­­­­­­­­­ment son mépris pour les faits et pour les jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes dans leur ensemble. Il leur a déclaré la guerre en les faisant passer pour des menteurs. Et l’ar­­­­­­­­­gu­­­­­­­­­ment a fait mouche auprès d’une partie du public.

La première règle énon­­­­­­­­­cée dans le code belge de déon­­­­­­­­­to­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­gie jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lis­­­­­­­­­tique s’in­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­tule “Infor­­­­­­­­­mer dans le respect de la vérité”. Celle-ci aborde notam­­­­­­­­­ment la véri­­­­­­­­­fi­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­tion des sources. Un article attire l’at­­­­­­­­­ten­­­­­­­­­tion à l’heure où la notion même de faits est mise à mal : « Les jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes font clai­­­­­­­­­re­­­­­­­­­ment la distinc­­­­­­­­­tion aux yeux du public entre les faits, les analyses et les opinions ».

 

7 milliards de jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes ?

A en juger par la défi­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­tion faite par ce même code, «  Est jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste toute personne qui contri­­­­­­­­­bue direc­­­­­­­­­te­­­­­­­­­ment à la collecte, au trai­­­­­­­­­te­­­­­­­­­ment édito­­­­­­­­­rial, à la produc­­­­­­­­­tion et/ou à la diffu­­­­­­­­­sion d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions, par l’in­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­mé­­­­­­­­­diaire d’un média, à desti­­­­­­­­­na­­­­­­­­­tion d’un public et dans l’in­­­­­­­­­té­­­­­­­­­rêt de celui-ci.  » D’un premier abord, cela semble être dans les cordes de tout le monde. Pour la plupart d’entre nous, diffu­­­­­­­­­ser une infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion est devenu chose courante grâce à l’avè­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­ment du smart­­­­­­­­­phone. Comme le dit Natha­­­­­­­­­lie Dolé 1, « le public est devenu produc­­­­­­­­­teur, source, correc­­­­­­­­­teur, commen­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­teur, bien­­­­­­­­­tôt pres­­­­­­­­­crip­­­­­­­­­teur… ». Mais il ne réalise pas systé­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tique­­­­­­­­­ment des tâches pour­­­­­­­­­tant essen­­­­­­­­­tielles : la véri­­­­­­­­­fi­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­tion des sources, leur recou­­­­­­­­­pe­­­­­­­­­ment, la confron­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­tion d’avis diver­­­­­­­­­gents… N’est pas jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste qui veut !

L’ac­­­­­­­­­cès à ces tech­­­­­­­­­no­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­gies faci­­­­­­­­­lite une liberté d’ex­­­­­­­­­pres­­­­­­­­­sion incom­­­­­­­­­pa­­­­­­­­­rable. On est passé progres­­­­­­­­­si­­­­­­­­­ve­­­­­­­­­ment d’une rela­­­­­­­­­tion à sens unique (émet­­­­­­­­­teur->récep­­­­­­­­­teur) à une rela­­­­­­­­­tion à double entrée (émet­­­­­­­­­teur<—>récep­­­­­­­­­teur) avec l’ar­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­vée notam­­­­­­­­­ment du cour­­­­­­­­­rier des lecteurs qui permet­­­­­­­­­tait à ces derniers de réagir à l’ac­­­­­­­­­tua­­­­­­­­­lité, de la commen­­­­­­­­­ter. Tout s’est accé­­­­­­­­­léré avec l’ar­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­vée d’in­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­net et des réseaux sociaux. Le dispo­­­­­­­­­si­­­­­­­­­tif des réseaux sociaux n’est pas conçu au départ pour la presse et l’ac­­­­­­­­­tua­­­­­­­­­lité. Mais les jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes vont se saisir de ce nouvel outil de diffu­­­­­­­­­sion d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion. Pour certains, ce dernier doit être complé­­­­­­­­­men­­­­­­­­­taire au travail de terrain mais ne doit en aucun cas le rempla­­­­­­­­­cer. Les réseaux sociaux ont pour avan­­­­­­­­­tage de faci­­­­­­­­­li­­­­­­­­­ter gran­­­­­­­­­de­­­­­­­­­ment le travail du repor­­­­­­­­­ter qui arri­­­­­­­­­vera à joindre plus faci­­­­­­­­­le­­­­­­­­­ment une source qu’au­­­­­­­­­pa­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­vant. Ils sont d’au­­­­­­­­­tant plus utiles pour les repor­­­­­­­­­ters qui se rendent à l’étran­­­­­­­­­ger. Les jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes les utilisent égale­­­­­­­­­ment pour recueillir du témoi­­­­­­­­­gnage, diffu­­­­­­­­­ser leurs infos, faire de la promo, trai­­­­­­­­­ter les messages d’alerte, cher­­­­­­­­­cher une idée de sujet, iden­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­fier les tendances, avoir des sugges­­­­­­­­­tions d’angles.

L’im­­­­­­­­­mé­­­­­­­­­dia­­­­­­­­­teté de l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion qui s’est accrue avec l’ar­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­vée des réseaux sociaux a des effets pervers bien connus : le trai­­­­­­­­­te­­­­­­­­­ment de flux quasi infini d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions complique la tâche du jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste dans son travail de tri et de véri­­­­­­­­­fi­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­tion. Ce qui risque d’aug­­­­­­­­­men­­­­­­­­­ter sa charge de travail. Autre consé­quence à déplo­­­­­­­­­rer ; les erreurs liées à un manque de prise de distance par rapport aux faits bruts qui défilent sur les écrans. La tenta­­­­­­­­­tion est grande de se lais­­­­­­­­­ser bercer par la faci­­­­­­­­­lité et de véri­­­­­­­­­fier plus tard.

Le jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste est égale­­­­­­­­­ment rede­­­­­­­­­vable envers le public qui lui trans­­­­­­­­­met des infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions et lui suggère des idées de sujets. Le public n’at­­­­­­­­­tend plus sage­­­­­­­­­ment que l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion lui soit trans­­­­­­­­­mise, il demande des comptes au jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste et le critique publique­­­­­­­­­ment. Il parti­­­­­­­­­cipe plei­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­ment au proces­­­­­­­­­sus de produc­­­­­­­­­tion de l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion.

Pour la première fois dans l’his­­­­­­­­­toire, toute personne peut désor­­­­­­­­­mais consti­­­­­­­­­tuer son propre média en créant son site ou son blog. L’ac­­­­­­­­­cès à une infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion gratuite sur inter­­­­­­­­­­­­­­­­­net alimente le fantasme du jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste citoyen2. En rendant une infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion gratuite, on a en même temps dépré­­­­­­­­­cié le travail de jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste et contri­­­­­­­­­bué ainsi à la déva­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­tion du métier. Les médias ont par la suite – assez tardi­­­­­­­­­ve­­­­­­­­­ment – recti­­­­­­­­­fié le tir en propo­­­­­­­­­sant une offre d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions unique (payante) ou mixte (gratuite et payante). Mais il est diffi­­­­­­­­­cile de modi­­­­­­­­­fier en profon­­­­­­­­­deur les compor­­­­­­­­­te­­­­­­­­­ments déjà bien enra­­­­­­­­­ci­­­­­­­­­nés des inter­­­­­­­­­­­­­­­­­nautes.

Faits, rumeurs et intox

Le rapport à l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion a profon­­­­­­­­­dé­­­­­­­­­ment changé. L’ère du « Tout, tout de suite » et de l’ins­­­­­­­­­tan­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­néité de l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion provoque un élec­­­­­­­­­tro­­­­­­­­­choc dans les pratiques jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lis­­­­­­­­­tiques. Et accen­­­­­­­­­tue la concur­­­­­­­­­rence, la pres­­­­­­­­­sion de « qui va sortir en premier l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion ? » Quand la place dévo­­­­­­­­­lue à la véri­­­­­­­­­fi­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­tion des infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions s’ame­­­­­­­­­nuise, les erreurs et approxi­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions pointent le bout de leur nez. Ce piège jette le discré­­­­­­­­­dit sur la profes­­­­­­­­­sion et relègue le jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste au plan de scribe au service du Pouvoir. La méfiance est de mise. La confu­­­­­­­­­sion s’ins­­­­­­­­­talle. La nébu­­­­­­­­­leuse qu’est la toile fait coha­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­ter fausses infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions et infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions véri­­­­­­­­­fiées. Comment s’y retrou­­­­­­­­­ver ? Qui dit la vérité ?

La campagne élec­­­­­­­­­to­­­­­­­­­rale de Donald Trump en est l’exemple criant. Même les faits avérés sont présen­­­­­­­­­tés comme des données rela­­­­­­­­­tives. Et d’au­­­­­­­­­tant plus, à une époque où l’es­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­bli­­­­­­­­sh­­­­­­­­­ment, les insti­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­tions tradi­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­nelles (partis poli­­­­­­­­­tiques clas­­­­­­­­­siques, médias tradi­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­nels) sont profon­­­­­­­­­dé­­­­­­­­­ment remis en ques­­­­­­­­­tion, voire même reje­­­­­­­­­tés par l’opi­­­­­­­­­nion. Les chiffres ne suffisent plus pour convaincre de la véra­­­­­­­­­cité d’un fait. Aujourd’­­­­­­­­­hui, on fait davan­­­­­­­­­tage confiance à une infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion parta­­­­­­­­­gée par un « ami » que par une infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion issue d’un organe de presse ! Ce qui laisse un boule­­­­­­­­­vard à ceux qui souhaitent entre­­­­­­­­­te­­­­­­­­­nir la confu­­­­­­­­­sion pour des raisons obscures.

La méfiance envers les médias tradi­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­nels est en réalité un rejet de la norme. « Les indi­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­dus ne perçoivent plus les infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions en tant que telles mais comme des injonc­­­­­­­­­tions qu’ils ne supportent plus. C’est la respon­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­lité des élites qui ont trop souvent présenté leur parole comme des évidences, des véri­­­­­­­­­tés inques­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­nables. » explique Michael Foes­­­­­­­­­sel, philo­­­­­­­­­sophe lors d’un débat orga­­­­­­­­­nisé par le quoti­­­­­­­­­dien français Libé­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­tion sur la post-vérité.

Daniel Schnei­­­­­­­­­der­­­­­­­­­mann, jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste et chro­­­­­­­­­niqueur à Arrêt sur images, qui faisait aussi partie du débat, pointe lui une autre raison de la méfiance : Les prin­­­­­­­­­ci­­­­­­­­­paux médias ont défendu une idéo­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­gie et une poli­­­­­­­­­tique écono­­­­­­­­­mique : celles du libre-échange et de la mondia­­­­­­­­­li­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­tion heureuse. Mais certaines personnes subissent cette idéo­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­gie. Selon lui, la concen­­­­­­­­­tra­­­­­­­­­tion finan­­­­­­­­­cière des groupes de presse contri­­­­­­­­­bue un peu plus à l’uni­­­­­­­­­for­­­­­­­­­mi­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­tion de l’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion et accen­­­­­­­­­tue la pres­­­­­­­­­sion sur l’in­­­­­­­­­dé­­­­­­­­­pen­­­­­­­­­dance des médias. Il estime qu’in­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­net permet de rééqui­­­­­­­­­li­­­­­­­­­brer la donne car les mino­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­tés peuvent s’y expri­­­­­­­­­mer.

Tous ces chan­­­­­­­­­ge­­­­­­­­­ments peuvent en réalité repré­­­­­­­­­sen­­­­­­­­­ter une formi­­­­­­­­­dable oppor­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­nité pour les jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes. Cela les pousse à ques­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­ner leurs pratiques, à se réin­­­­­­­­­ven­­­­­­­­­ter. Face aux diva­­­­­­­­­ga­­­­­­­­­tions conscientes de Donald Trump, les médias améri­­­­­­­­­cains s’in­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­rogent sur la méthode à adop­­­­­­­­­ter vis-à-vis de la Maison blanche. Vont-ils accep­­­­­­­­­ter de relayer les mensonges du président, ou au contraire vont-ils essayer d’ob­­­­­­­­­te­­­­­­­­­nir les infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions par un autre biais, de cher­­­­­­­­­cher de nouvelles sources, reve­­­­­­­­­nir aux fonda­­­­­­­­­men­­­­­­­­­taux du jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme d’in­­­­­­­­­ves­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­ga­­­­­­­­­tion ? La chaine d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion CNN par exemple a décidé de ne pas diffu­­­­­­­­­ser la première décla­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­tion à la presse du porte-parole de la Maison blanche. Mais est-ce judi­­­­­­­­­cieux ? Cela va-t-il alimen­­­­­­­­­ter un peu plus les complo­­­­­­­­­tistes ou au contraire reva­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­ser le métier ?

Certains repré­­­­­­­­­sen­­­­­­­­­tants poli­­­­­­­­­tiques ont une respon­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­lité dans l’étio­­­­­­­­­le­­­­­­­­­ment du rapport aux faits, qu’ils n’hé­­­­­­­­­sitent pas à quali­­­­­­­­­fier de mensonges. Un article publié sur le site du jour­­­­­­­­­nal Le Monde3 relate un évène­­­­­­­­­ment pour le moins inter­­­­­­­­­­­­­­­­­pel­­­­­­­­­lant. Pendant la campagne du Brexit l’an­­­­­­­­­née dernière, le camp du OUI à une sortie de l’UE a propagé plusieurs intox parmi lesquelles celle du béné­­­­­­­­­fice finan­­­­­­­­­cier pour le Royaume-Uni de sortir de l’UE. Cet argu­­­­­­­­­ment a large­­­­­­­­­ment été contesté dans les médias. Mais il était trop tard, l’in­­­­­­­­­tox avait déjà fait son bout de chemin. Cet exemple montre clai­­­­­­­­­re­­­­­­­­­ment que lorsqu’il y a une crise de confiance dans les insti­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­tions, ce n’est jamais bon pour la démo­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­tie. Qui croire ? Nous n’avons jamais eu accès à autant d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions, nous jonglons au quoti­­­­­­­­­dien avec des infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions et pour­­­­­­­­­tant, nous ne sommes pas encore suffi­­­­­­­­­sam­­­­­­­­­ment prépa­­­­­­­­­rés, entraî­­­­­­­­­nés à faire face à ce flux infini.

Beau­­­­­­­­­coup de gens s’in­­­­­­­­­forment unique­­­­­­­­­ment sur Face­­­­­­­­­book, en parti­­­­­­­­­cu­­­­­­­­­lier les jeunes de 18–35 ans.
Ce qui peut être un problème. Là où un jour­­­­­­­­­nal expose les diffé­­­­­­­­­rents points de vue liés à un évène­­­­­­­­­ment, le réseau social, lui, nous enferme dans notre bulle. Face­­­­­­­­­book fonc­­­­­­­­­tionne avec un algo­­­­­­­­­rithme qui fait appa­­­­­­­­­raitre en prio­­­­­­­­­rité les infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions qui sont suscep­­­­­­­­­tibles de nous inté­­­­­­­­­res­­­­­­­­­ser. Ce qui laisse peu de place pour la confron­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­tion des points de vue, le débat d’idées.

Comme le dit Jon Henley, jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste au quoti­­­­­­­­­dien britan­­­­­­­­­nique The Guar­­­­­­­­­dian, Face­­­­­­­­­book est le plus grand éditeur d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions au monde puisque c’est une plate­­­­­­­­­forme qui héberge les produc­­­­­­­­­tions de ses membres. C’est une énorme caisse de réson­­­­­­­­­nance, un outil qui peut être au service de la mani­­­­­­­­­pu­­­­­­­­­la­­­­­­­­­tion. Mais le véri­­­­­­­­­table problème se situe au niveau de la facho­­­­­­­­­sphère et des sites de désin­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tion.

L’épreuve que traverse le jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme aujourd’­­­­­­­­­hui témoigne surtout d’une société malade où les citoyens déçus par les insti­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­tions clas­­­­­­­­­siques – parfois à juste titre – veulent du chan­­­­­­­­­ge­­­­­­­­­ment. Popu­­­­­­­­­lismes et autres simplismes gagnent en crédi­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­lité. Pour contre­­­­­­­­­car­­­­­­­­­rer ce phéno­­­­­­­­­mène, il ne suffit évidem­­­­­­­­­ment pas de reva­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­ser le métier de jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­liste dans les yeux de l’opi­­­­­­­­­nion. Les poli­­­­­­­­­tiques ont aussi leur part de respon­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­lité. Aujourd’­­­­­­­­­hui, les uns et les autres ne peuvent plus igno­­­­­­­­­rer l’am­­­­­­­­­pleur de la désillu­­­­­­­­­sion qui leur est adres­­­­­­­­­sée. Et devront réagir en consé­quence.

1. Jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes et réseaux sociaux : évolu­­­­­­­­­tion ou révo­­­­­­­­­lu­­­­­­­­­tion ? Natha­­­­­­­­­lie Dolé coll. Jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme respon­­­­­­­­­sable, éditions
Alliance inter­­­­­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­nale des jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­listes, p. 26, octobre 2012.

2. Certains préfèrent l’ex­­­­­­­­­pres­­­­­­­­­sion de jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme parti­­­­­­­­­ci­­­­­­­­­pa­­­­­­­­­tif ou jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme ordi­­­­­­­­­naire. Ces termi­­­­­­­­­no­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­gies font réfé­­­­­­­­­rence à « L’in­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­ven­­­­­­­­­tion de non-profes­­­­­­­­­sion­­­­­­­­­nels du jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme dans la produc­­­­­­­­­tion et la diffu­­­­­­­­­sion d’in­­­­­­­­­for­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tions d’ac­­­­­­­­­tua­­­­­­­­­lité sur Inter­­­­­­­­­net. » Créa­­­­­­­­­tion, contri­­­­­­­­­bu­­­­­­­­­tion, recom­­­­­­­­­man­­­­­­­­­da­­­­­­­­­tion : les strates du jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme parti­­­­­­­­­ci­­­­­­­­­pa­­­­­­­­­tif, Franck Rebillard, Les cahiers du jour­­­­­­­­­na­­­­­­­­­lisme, 2011.

3. Quand le débat démo­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­tique se passe de faits, Samuel Laurent, 2 juillet 2016.
En savoir plus sur www.lemonde.fr/idees/article/2016/07/02/quand-lede­­­­­­­­­bat- demo­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­tique-laisse-les-faits-de-cote_4962408_3232.html#shcdd0v9DY9­­­­­­­­­gyAQQ.99

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