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Comp­teurs commu­ni­cants – démon­trer leur utilité avant de les déployer

Communiqué de presse_ Equipes PopulairesEn ce début d’an­­­­­née 2018, le Gouver­­­­­ne­­­­­ment wallon a annoncé son inten­­­­­tion d’adop­­­­­ter un cadre légal visant au rempla­­­­­ce­­­­­ment des comp­­­­­teurs d’élec­­­­­tri­­­­­cité des ménages par d’autres systèmes dits « intel­­­­­li­­­­­gents ». Le réseau wallon pour l’ac­­­­­cès durable à l’éner­­­­­gie* dont les Equipes Popu­­­­­laires font partie appelle les dépu­­­­­tés à reje­­­­­ter cette mesure  – jugée défa­­­­­vo­­­­­rable pour les ménages – lors du vote qui devra inter­­­­­­­­­ve­­­­­nir au Parle­­­­­ment.

Les fabri­­­­­cants de nouveaux comp­­­­­teurs élec­­­­­tro­­­­­niques ont déve­­­­­loppé un puis­­­­­sant lobby (orga­­­­­nisé au sein de l’Eu­­­­­ro­­­­­pean Smart Mete­­­­­ring Indus­­­­­try Group – ESMIG) pour promou­­­­­voir le rempla­­­­­ce­­­­­ment géné­­­­­ra­­­­­lisé des comp­­­­­teurs d’élec­­­­­tri­­­­­cité actuel (dits « élec­­­­­tro­­­­­mé­­­­­ca­­­­­niques ») par de nouveaux « comp­­­­­teurs intel­­­­­li­­­­­gents », capables de rece­­­­­voir et de trans­­­­­mettre à distance des infor­­­­­ma­­­­­tions rela­­­­­tives à la consom­­­­­ma­­­­­tion d’élec­­­­­tri­­­­­cité d’un ménage.

La discus­­­­­sion n’est pas neuve. L’Union euro­­­­­péenne, dès 2009 inci­­­­­tait les états membres à déployer massi­­­­­ve­­­­­ment les comp­­­­­teurs intel­­­­­li­­­­­gents. Après une mobi­­­­­li­­­­­sa­­­­­tion de la société civile pour que des études sur les coûts et béné­­­­­fices d’une telle mesure soient réali­­­­­sées, ce projet avait été aban­­­­­donné en Belgique. En effet, ces études, menées par les diffé­­­­­rents régu­­­­­la­­­­­teurs du pays[1], établis­­­­­saient que, dans les condi­­­­­tions prévues, les coûts l’em­­­­­por­­­­­taient sur les gains.

Une déci­­­­­sion fondée sur de mauvais motifs

Aujourd’­­­­­hui, le Ministre de l’Ener­­­­­gie wallon indique son inten­­­­­tion d’opé­­­­­rer ce déploie­­­­­ment. Il y aurait, selon sa décla­­­­­ra­­­­­tion devant le Parle­­­­­ment wallon du 8 janvier, une «  urgence  » à la réali­­­­­ser « en raison de l’ar­­­­­rêt de la fabri­­­­­ca­­­­­tion des comp­­­­­teurs tradi­­­­­tion­­­­­nels  dits élec­­­­­tro­­­­­mé­­­­­ca­­­­­niques »… En outre, le Ministre signale que concer­­­­­nant les « comp­­­­­teurs à budgets » wallons le fabri­­­­­cant de ces comp­­­­­teurs a arrêté sa produc­­­­­tion et qu’ils ne seront plus dispo­­­­­nibles d’ici 2020. Dans ce contexte, il serait inutile de débattre de l’op­­­­­por­­­­­tu­­­­­nité d’un rempla­­­­­ce­­­­­ment géné­­­­­ra­­­­­lisé des comp­­­­­teurs.

Contacté par nos soins, le produc­­­­­teur de comp­­­­­teurs d’élec­­­­­tri­­­­­cité élec­­­­­tro­­­­­mé­­­­­ca­­­­­niques Pafal S.A. nous a indiqué qu’il a l’in­­­­­ten­­­­­tion de « produire ces comp­­­­­teurs tant qu’il y aura de la demande pour eux  ». Quant à l’ar­­­­­rêt de la produc­­­­­tion des « comp­­­­­teurs à budgets » actuel­­­­­le­­­­­ment utili­­­­­sés par la Région wallonne, il est remarquable que le fabri­­­­­cant de ces comp­­­­­teurs (Acta­­­­­ris, repris par Itron) qui pousse ainsi au rempla­­­­­ce­­­­­ment de tous ceux qu’il a vendu à la région… soit lui-même un des prin­­­­­ci­­­­­paux fabri­­­­­cants du comp­­­­­teur « Linky » par lequel la Région wallonne veut les rempla­­­­­cer. Ce fabriquant n’ar­­­­­rête donc la produc­­­­­tion d’un type de comp­­­­­teur que pour mieux pous­­­­­ser à leur rempla­­­­­ce­­­­­ment par le nouveau modèle qu’il produit. L’iné­­­­­luc­­­­­ta­­­­­bi­­­­­lité souvent évoquée pour justi­­­­­fier le déploie­­­­­ment des comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants mérite d’être débat­­­­­tue. Elle est le fruit de déci­­­­­sions qui sont prises par certains acteurs, et, il faut l’ac­­­­­ter, par une inca­­­­­pa­­­­­cité des pouvoirs publics à prendre la main sur les évolu­­­­­tions tech­­­­­no­­­­­lo­­­­­giques afin de déter­­­­­mi­­­­­ner ce qui procède ou non du véri­­­­­table progrès socié­­­­­tal.

Outre ces enjeux, se pose fonda­­­­­men­­­­­ta­­­­­le­­­­­ment la ques­­­­­tion de l’op­­­­­por­­­­­tu­­­­­nité de main­­­­­te­­­­­nir le système des comp­­­­­teurs à budget en Wallo­­­­­nie. Ils ne sont en effet nulle­­­­­ment indis­­­­­pen­­­­­sables pour gérer les situa­­­­­tions de clients en diffi­­­­­culté de paie­­­­­ments, comme le montre l’exemple de la Région bruxel­­­­­loise, qui aborde cette ques­­­­­tion sans « comp­­­­­teurs à budgets », à moindre coûts et de façon plus sociale. Le comp­­­­­teur à budget consti­­­­­tue, rappe­­­­­lons-le, une géné­­­­­ra­­­­­li­­­­­sa­­­­­tion du prin­­­­­cipe de la coupure : en premier lieu si le consom­­­­­ma­­­­­teur ne paie pas sa facture, après rappel et mise en demeure, même en cas de dettes minimes ou esti­­­­­mées, voire contes­­­­­tées ; en deuxième lieu, dès que le prépaie­­­­­ment est activé, chaque fois que le consom­­­­­ma­­­­­teur ne recharge pas en temps et en heure. Et ce été comme hiver. Cela concerne poten­­­­­tiel­­­­­le­­­­­ment chaque année plus de 100.000 ménages wallons en défaut de paie­­­­­ment pour l’élec­­­­­tri­­­­­cité. Si, demain, ce prépaie­­­­­ment et la menace de coupure qui l’ac­­­­­com­­­­­pagne étaient acti­­­­­vés à distance, on imagine les consé­quences que cela pour­­­­­rait avoir pour une partie de plus en plus impor­­­­­tante des citoyens qui éprouvent des diffi­­­­­cul­­­­­tés finan­­­­­cières : ne plus pouvoir se chauf­­­­­fer, vivre dans la peur perpé­­­­­tuelle de la coupure, ne plus pouvoir rece­­­­­voir de proches, renon­­­­­cer à des soins de santé ou d’autres dépenses indis­­­­­pen­­­­­sables pour rechar­­­­­ger son comp­­­­­teur. Il s’agit bien là d’une remise en cause de l’uni­­­­­ver­­­­­sa­­­­­lité d’un service pour­­­­­tant vital.

En réalité, le déploie­­­­­ment géné­­­­­ra­­­­­lisé de « comp­­­­­teurs intel­­­­­li­­­­­gents » n’est en rien une fata­­­­­lité ou une obli­­­­­ga­­­­­tion. L’Al­­­­­le­­­­­magne, par exemple, se contente de program­­­­­mer ce rempla­­­­­ce­­­­­ment pour les ménages qui consomment 6000 Kwh/an. Or la consom­­­­­ma­­­­­tion d’élec­­­­­tri­­­­­cité moyenne d’un ménage wallon est d’en­­­­­vi­­­­­ron 3500 Kwh/an.

L’étude sur les comp­­­­­teurs intel­­­­­li­­­­­gents publiée fin décembre 2017 par la CWAPE ( le régu­­­­­la­­­­­teur wallon du marché du gaz et de l’élec­­­­­tri­­­­­cité), sur laquelle s’ap­­­­­puie le Ministre de l’Ener­­­­­gie, consti­­­­­tue essen­­­­­tiel­­­­­le­­­­­ment une présen­­­­­ta­­­­­tion des analyses et reven­­­­­di­­­­­ca­­­­­tions d’un des distri­­­­­bu­­­­­teurs d’éner­­­­­gie, ORES. Elle se carac­­­­­té­­­­­rise par son impré­­­­­ci­­­­­sion notam­­­­­ment pour ce qui concerne l’éva­­­­­lua­­­­­tion des coûts et béné­­­­­fices de ce rempla­­­­­ce­­­­­ment. La CWAPE se limite à noter, sans plus d’exa­­­­­men critique que selon les esti­­­­­ma­­­­­tions des distri­­­­­bu­­­­­teurs le résul­­­­­tat est « proche de l’équi­­­­­libre », tout en indiquant qu’il s’agit de « résul­­­­­tats provi­­­­­soires ». En outre, pour arri­­­­­ver à un résul­­­­­tat qui présente le rempla­­­­­ce­­­­­ment comme non-coûtant, la CWAPE est obli­­­­­gée d’éva­­­­­luer ces « coûts et béné­­­­­fices » sur une période de trente ans… et ce alors qu’elle prévoit un déploie­­­­­ment en 15 ans et que la durée de vie des nouveaux comp­­­­­teurs « intel­­­­­li­­­­­gents » n’est que de 15 ans. Ce qui est à compa­­­­­rer avec les comp­­­­­teurs élec­­­­­tro­­­­­ma­­­­­gné­­­­­tiques actuels, qui ont une durée de vie de 40 ans.

Une réduc­­­­­tion des consom­­­­­ma­­­­­tions très faible et un impact écolo­­­­­gique non pris en compte

A l’ori­­­­­gine, les comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants ont été présen­­­­­tés comme un outil indis­­­­­pen­­­­­sable pour sensi­­­­­bi­­­­­li­­­­­ser les ménages à leur consom­­­­­ma­­­­­tion et enclen­­­­­cher les compor­­­­­te­­­­­ments d’éco­­­­­no­­­­­mie d’éner­­­­­gie. En réalité, le poten­­­­­tiel semble exces­­­­­si­­­­­ve­­­­­ment faible. Dans le meilleur des cas, selon de récentes études[2], on évoque un poten­­­­­tiel d’éco­­­­­no­­­­­mie de 2 à 4% de la consom­­­­­ma­­­­­tion. Et plus l’échan­­­­­tillon sur lequel ces études sont menées est impor­­­­­tant, plus les résul­­­­­tats sont faibles. En France, moins de 2 % des ménages équi­­­­­pés de comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants ont activé la lecture de leurs données de consom­­­­­ma­­­­­tion d’éner­­­­­gie. En Angle­­­­­terre, les enquêtes menées sur le terrain montrent égale­­­­­ment qu’il n’y a pas de rela­­­­­tion de cause à effet directe entre un feed­­­­­back (la donnée de consom­­­­­ma­­­­­tion) et une prise de déci­­­­­sion « ration­­­­­nelle » des ménages (couper un appa­­­­­reil en veille, réduire la tempé­­­­­ra­­­­­ture du boiler, renon­­­­­cer à une acti­­­­­vité consom­­­­­ma­­­­­trice d’éner­­­­­gie, éteindre les lampes, etc.) . Les facteurs qui entrent en ligne de compte sont multiples :  certains équi­­­­­pe­­­­­ments sont néces­­­­­saires au quoti­­­­­dien et leur consom­­­­­ma­­­­­tion ne peut pas être réduite. En outre, les ménages consul­­­­­tés signalent qu’ils ont envie de vivre et pas d’être constam­­­­­ment préoc­­­­­cu­­­­­pés par leur consom­­­­­ma­­­­­tion d’éner­­­­­gie. Diffi­­­­­cile, dans ces condi­­­­­tions, d’es­­­­­pé­­­­­rer atteindre une quel­­­­­conque réduc­­­­­tion de consom­­­­­ma­­­­­tion par le simple place­­­­­ment d’un comp­­­­­teur commu­­­­­ni­­­­­cant.  Par ailleurs, les analyses réali­­­­­sées par l’ADEME montrent que l’enjeu réside dans les inno­­­­­va­­­­­tions sociales qui mettent en place un accom­­­­­pa­­­­­gne­­­­­ment des ménages dans la lecture de leur consom­­­­­ma­­­­­tion et dans les démarches de réno­­­­­va­­­­­tion du loge­­­­­ment, prin­­­­­ci­­­­­pa­­­­­le­­­­­ment. L’ap­­­­­proche tech­­­­­no­­­­­cen­­­­­trée des comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants ne répond ni aux besoins, ni aux attentes des ménages.

D’un point de vue envi­­­­­ron­­­­­ne­­­­­men­­­­­tal, ce poten­­­­­tiel d’éco­­­­­no­­­­­mie d’éner­­­­­gie – qui sera inexis­­­­­tant si l’ap­­­­­proche se limite au seul déploie­­­­­ment des comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants- est à mettre en balance avec le coût éner­­­­­gé­­­­­tique de leur main­­­­­te­­­­­nance et du rempla­­­­­ce­­­­­ment anti­­­­­cipé des comp­­­­­teurs exis­­­­­tants (instal­­­­­la­­­­­tions supplé­­­­­men­­­­­taires requises par rapport à un « rempla­­­­­ce­­­­­ment natu­­­­­rel » des comp­­­­­teurs actuels, mise au rebut de comp­­­­­teurs en état de fonc­­­­­tion­­­­­ne­­­­­ment, etc.). Le coût éner­­­­­gé­­­­­tique de main­­­­­te­­­­­nance comprend la consom­­­­­ma­­­­­tion néces­­­­­saire pour stocker et trai­­­­­ter les données collec­­­­­tées, qui ne doit pas être sous-esti­­­­­mée (à titre d’exemple, en France, les data centers consomment actuel­­­­­le­­­­­ment près de 10% de l’élec­­­­­tri­­­­­cité produite). Or, à notre connais­­­­­sance, aucun bilan envi­­­­­ron­­­­­ne­­­­­men­­­­­tal complet de ce type n’a été établi. On risque bien d’ar­­­­­ri­­­­­ver avec ces comp­­­­­teurs à une absur­­­­­dité qui consiste à consom­­­­­mer beau­­­­­coup d’éner­­­­­gie et à payer très cher pour en écono­­­­­mi­­­­­ser fina­­­­­le­­­­­ment très peu.

Flexi­­­­­bi­­­­­lité : est-ce le bon quart d’heure pour consom­­­­­mer ?

Un autre élément de moti­­­­­va­­­­­tion de déploie­­­­­ment des comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants réside dans les possi­­­­­bi­­­­­li­­­­­tés qu’ils offrent en termes de flexi­­­­­bi­­­­­li­­­­­sa­­­­­tion de la consom­­­­­ma­­­­­tion pour l’adap­­­­­ter au carac­­­­­tère plus fluc­­­­­tuant des éner­­­­­gies renou­­­­­ve­­­­­lables, mais aussi aux prix du marché de gros de l’élec­­­­­tri­­­­­cité.  L’étude de la CWAPE ne les évoque, prudem­­­­­ment, qu’au condi­­­­­tion­­­­­nel, sans en tenir compte dans son évalua­­­­­tion, et en évoquant à cet égard la néces­­­­­site de confir­­­­­mer cette possi­­­­­bi­­­­­lité par des « projets pilotes ».

En consi­­­­­dé­­­­­rant les contraintes tempo­­­­­relles, profes­­­­­sion­­­­­nelles et fami­­­­­liales des citoyens, on comprend vite qu’une grande partie de ce poten­­­­­tiel est théo­­­­­rique, et qu’un ménage ne peut choi­­­­­sir de repor­­­­­ter la prépa­­­­­ra­­­­­tion du repas ou le bain des enfants après 20h parce que le prix de l’élec­­­­­tri­­­­­cité est moins élevé qu’entre 17h et 20h. Le dépla­­­­­ce­­­­­ment du pic de consom­­­­­ma­­­­­tion de 17–20h ne repose pas sur la seule respon­­­­­sa­­­­­bi­­­­­lité indi­­­­­vi­­­­­duelle : l’or­­­­­ga­­­­­ni­­­­­sa­­­­­tion collec­­­­­tive de la vie profes­­­­­sion­­­­­nelle et sociale joue un rôle bien plus impor­­­­­tant et néces­­­­­site d’être débat­­­­­tue collec­­­­­ti­­­­­ve­­­­­ment. Les usages les plus faci­­­­­le­­­­­ment déplaçables, dont le nettoyage du linge et de la vais­­­­­selle, le sont d’ores et déjà par les fonc­­­­­tions de program­­­­­ma­­­­­tion du lance­­­­­ment de la machine.

Certains scéna­­­­­rios envi­­­­­sagent la mise en place de tarifs dyna­­­­­miques, variant quart d’heure par quart d’heure, à charge pour la personne de suivre l’évo­­­­­lu­­­­­tion des tarifs pour lancer sa machine à distance au moment le moins cher , de s’équi­­­­­per de domo­­­­­tique pour assu­­­­­rer l’au­­­­­to­­­­­ma­­­­­ti­­­­­sa­­­­­tion du proces­­­­­sus, ou de confier cette mission à un opéra­­­­­teur externe, à condi­­­­­tion que les ménages fassent suffi­­­­­sam­­­­­ment confiance à cet opéra­­­­­teur pour lui donner le contrôle de son équi­­­­­pe­­­­­ment. Une étude réali­­­­­sée au Pays-Bas[3] conclut sur le carac­­­­­tère impro­­­­­bable de cette rela­­­­­tion de confiance. Se pose enfin la ques­­­­­tion du choix : les ménages aux reve­­­­­nus limi­­­­­tés seront-ils contraints de subir cette « flexi­­­­­bi­­­­­lité » pour ne pas explo­­­­­ser leur budget, alors que les ménages aux reve­­­­­nus aisés n’au­­­­­ront même pas à se poser la ques­­­­­tion ?

Les comp­­­­­teurs commu­­­­­ni­­­­­cants indui­­­­­ront égale­­­­­ment une modi­­­­­fi­­­­­ca­­­­­tion globale du rapport du consom­­­­­ma­­­­­teur à son four­­­­­nis­­­­­seur d’éner­­­­­gie. A travers les comp­­­­­teurs, et les diffé­­­­­rents modules qui pour­­­­­ront être bran­­­­­chés sur celui-ci,  un flux d’in­­­­­for­­­­­ma­­­­­tions précises sur la consom­­­­­ma­­­­­tion d’élec­­­­­tri­­­­­cité des ménages va être généré (c-à-d qui consomme quoi, à quel moment précis). Ce nouveau système de comp­­­­­tage donnera aux four­­­­­nis­­­­­seurs d’élec­­­­­tri­­­­­cité la possi­­­­­bi­­­­­lité d’of­­­­­frir des services annexes et d’adap­­­­­ter le tarif notam­­­­­ment en fonc­­­­­tion du moment de la consom­­­­­ma­­­­­tion. Il va ainsi géné­­­­­rer une multi­­­­­pli­­­­­ca­­­­­tion de leurs offres tari­­­­­faires qui empê­­­­­chera les consom­­­­­ma­­­­­teurs de compa­­­­­rer les offres et de choi­­­­­sir le meilleur prix. Non contents de devoir payer l’ins­­­­­tal­­­­­la­­­­­tion de ces nouveaux comp­­­­­teurs et les frais annexes, les consom­­­­­ma­­­­­teurs risquent égale­­­­­ment, dans un marché rendu opaque comme celui de la télé­­­­­pho­­­­­nie mobile, de devoir payer plus cher leur élec­­­­­tri­­­­­cité.

Le consom­­­­­ma­­­­­teur d’élec­­­­­tri­­­­­cité wallon paiera la facture

Un inves­­­­­tis­­­­­se­­­­­ment public de 800 millions d’eu­­­­­ros est actuel­­­­­le­­­­­ment évoqué pour le déploie­­­­­ment de ces comp­­­­­teurs. Les dépu­­­­­tés wallons seraient bien inspi­­­­­rés d’exi­­­­­ger une compa­­­­­rai­­­­­son objec­­­­­tive des « béné­­­­­fices » écono­­­­­miques et écolo­­­­­giques qui peuvent être réali­­­­­sés par une telle mesure avec un inves­­­­­tis­­­­­se­­­­­ment simi­­­­­laire dans le soutien à l’iso­­­­­la­­­­­tion des loge­­­­­ments, et par exemple à l’iso­­­­­la­­­­­tion des toitures.  Idem pour l’im­­­­­pact en termes d’em­­­­­ploi. Ces compa­­­­­rai­­­­­sons permet­­­­­traient de faire inter­­­­­­­­­ve­­­­­nir d’autres critères que des indi­­­­­ca­­­­­teurs exclu­­­­­si­­­­­ve­­­­­ment écono­­­­­miques, tels que les impacts sociaux (amélio­­­­­ra­­­­­tion de la santé et bien-être) et envi­­­­­ron­­­­­ne­­­­­men­­­­­taux (dimi­­­­­nu­­­­­tion des émis­­­­­sions de gaz à effets de serre, des déchets, etc.) de tels inves­­­­­tis­­­­­se­­­­­ments. Elles indique­­­­­raient sans ambi­­­­­guïté que le rempla­­­­­ce­­­­­ment des comp­­­­­teurs serait un très mauvais choix d’in­­­­­ves­­­­­tis­­­­­se­­­­­ment, tant du point de vue de la popu­­­­­la­­­­­tion que de l’en­­­­­vi­­­­­ron­­­­­ne­­­­­ment.

La vie privée devient un luxe

A ce stade, l’uti­­­­­li­­­­­sa­­­­­tion du flux de données de consom­­­­­ma­­­­­tion, qui relèvent de la vie privée, semble insuf­­­­­fi­­­­­sam­­­­­ment cadrée. Le Ministre de l’Ener­­­­­gie indique que «  le consom­­­­­ma­­­­­teur restera proprié­­­­­taire de ses données ».  Mais qu’en est-il du choix véri­­­­­table du consom­­­­­ma­­­­­teur lambda si son four­­­­­nis­­­­­seur d’éner­­­­­gie peut lui consen­­­­­tir un rabais à la condi­­­­­tion qu’il lui donne accès à toutes ses données de consom­­­­­ma­­­­­tion et qu’il lui permette de les revendre ? Les risques liés aux pratiques de démar­­­­­chage abusives que nous rencon­­­­­trons régu­­­­­liè­­­­­re­­­­­ment sur le terrain pren­­­­­draient encore une toute autre tour­­­­­nure pour les ménages qui en seraient les victimes, tant d’un point de vue finan­­­­­cier en cas de tari­­­­­fi­­­­­ca­­­­­tions très variables, qu’en matière de protec­­­­­tion des données.

Avec l’ins­­­­­tal­­­­­la­­­­­tion des comp­­­­­teurs intel­­­­­li­­­­­gents et de leurs modules annexes, la vie privée risque de connaître un nouveau recul et deve­­­­­nir un luxe réservé aux ménages mieux nantis. Quant à la ques­­­­­tion de l’im­­­­­pact pour la santé des ondes magné­­­­­tiques géné­­­­­rées par les comp­­­­­teurs, les données dispo­­­­­nibles ne permettent pas de rassu­­­­­rer, la ques­­­­­tion de l’élec­­­­­tro­­­­­sen­­­­­si­­­­­bi­­­­­lité faisant encore l’objet de trop peu d’at­­­­­ten­­­­­tion au niveau médi­­­­­cal et poli­­­­­tique.

Les comp­­­­­teurs « intel­­­­­li­­­­­gents » ont certai­­­­­ne­­­­­ment beau­­­­­coup d’avan­­­­­tages pour les lobbys secto­­­­­riels qui en soutiennent le déploie­­­­­ment, mais à peu près aucun pour les consom­­­­­ma­­­­­teurs. Or ce sont eux qui en subi­­­­­ront plei­­­­­ne­­­­­ment le coût et les incon­­­­­vé­­­­­nients.  Les wallons n’ont pour la plupart rien à gagner à un déploie­­­­­ment de ces comp­­­­­teurs, a fortiori si celui-ci n’est pas fondé sur des études suffi­­­­­sam­­­­­ment indé­­­­­pen­­­­­dantes, appro­­­­­fon­­­­­dies et concluantes, tant au niveau du coût que des risques liés à cette modi­­­­­fi­­­­­ca­­­­­tion fonda­­­­­men­­­­­tale de l’or­­­­­ga­­­­­ni­­­­­sa­­­­­tion de la four­­­­­ni­­­­­ture d’élec­­­­­tri­­­­­cité.

Il est temps de lais­­­­­ser la place à un vrai débat public citoyen sur l’in­­­­­dis­­­­­pen­­­­­sable tran­­­­­si­­­­­tion éner­­­­­gé­­­­­tique à construire, sur le rôle que chacun peut y jouer, et sur les outils dont nous avons besoin pour ce faire.

*Les orga­­­­­ni­­­­­sa­­­­­tions membres du Rwadé et signa­­­­­taires de ce texte sont : CSC, Equipes Popu­­­­­laires, Empreintes, Fédé­­­­­ra­­­­­tion des services sociaux, FGTB, Miroir Vaga­­­­­bond, MOC, Réseau Idée, Revert, RWLP, Soli­­­­­da­­­­­ri­­­­­tés Nouvelles.

[1] Capge­­­­­mini consul­­­­­ting (2012) Etude portant sur la mise en œuvre des comp­­­­­teurs intel­­­­­li­­­­­gents, leur fonc­­­­­tion­­­­­na­­­­­lité ainsi que les couts et béné­­­­­fices en Wallo­­­­­nie pour les acteurs du marché de l’éner­­­­­gie et la société. Etude comman­­­­­di­­­­­tée par  la CWAPE

[2] www.alte­­­­­re­­­­­chos.be/les-comp­­­­­teurs-intel­­­­­li­­­­­gents-seraient-un-mauvais-inves­­­­­tis­­­­­se­­­­­ment/

[3] G.P.J. Verbong, S. Beem­s­­­­ter­­­­­boer, F. SengersSmart grids or smart users? Invol­­­­­ving users in deve­­­­­lo­­­­­ping a low carbon elec­­­­­tri­­­­­city economy

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