Actualités

HOMMAGE| Claude Clippe : Une prési­­­­­­­dence aux enga­­­­­­­ge­­­­­­­ments multiples

Claude Clippe, ancien président des Equipes Popu­­­­­­­­­­­­­laires, nous a quit­­­­­­­­­­­­­tés ce 23 août 2021. Deux mois plus tôt, nous nous rencon­­­­­­­­­­­­­trions pour évoquer son compa­­­­­­­­­­­­­gnon de route Maurice De Backer, décédé le 7 mai 2021. Nos échanges avaient débordé sur sa propre trajec­­­­­­­­­­­­­toire. Son acci­dent de santé a arrêté net ce travail de mémoire.

Lors de la céré­­­­­­­­­­­­­mo­­­­­­­­­­­­­nie d’adieu, chaleu­­­­­­­­­­­­­reuse et pleine d’af­­­­­­­­­­­­­fec­­­­­­­­­­­­­tion, son fils Manu a évoqué son parcours et a témoi­­­­­­­­­­­­­gné de l’homme, de l’époux, du père et grand-père tant aimé, souvent absent, mais aussi du perma­nent, un métier au contour nébu­­­­­­­­­­­­­leux.

Claude recon­­­­­­­­­­­­­nais­­­­­­­­­­­­­sait que son enga­­­­­­­­­­­­­ge­­­­­­­­­­­­­ment était inté­­­­­­­­­­­­­gra­­­­­­­­­­­­­liste. Sa dispo­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­­­­­lité pour le mouve­­­­­­­­­­­­­ment était totale. Quand par hasard une soirée se libé­­­­­­­­­­­­­rait, dit-il, il se sentait dans l’obli­­­­­­­­­­­­­ga­­­­­­­­­­­­­tion d’al­­­­­­­­­­­­­ler saluer un équi­­­­­­­­­­­­­pier ou un respon­­­­­­­­­­­­­sable. Sans doute, était-ce exces­­­­­­­­­­­­­sif, mais c’était ce qui était attendu à l’époque !

Claude Clippe est né à Solre-sur-Sambre, le 10 décembre 1937. Il gran­­­­­­­­­­­­­dit dans une famille chré­­­­­­­­­­­­­tienne. Son père a été jociste et est équi­­­­­­­­­­­­­pier popu­­­­­­­­­­­­­laire. Sa mère, femme au foyer, est mili­­­­­­­­­­­­­tante aux Ligues ouvrières fémi­­­­­­­­­­­­­nines chré­­­­­­­­­­­­­tiennes.

De 1944 à 1951, Claude va à l’école primaire libre de Solre-sur-Sambre. Son insti­­­­­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­­­­­teur, Maurice Desgain, démo­­­­­­­­­­­­­crate-chré­­­­­­­­­­­­­tien, mili­­­­­­­­­­­­­tant, oriente son ensei­­­­­­­­­­­­­gne­­­­­­­­­­­­­ment vers les réali­­­­­­­­­­­­­tés sociales, poli­­­­­­­­­­­­­tiques et humaines. Il trans­­­­­­­­­­­­­met à Claude, cette convic­­­­­­­­­­­­­tion : « mieux vaut mourir debout que vivre esclave à genoux ». Claude pour­­­­­­­­­­­­­suit ses études à l’Uni­­­­­­­­­­­­­ver­­­­­­­­­­­­­sité du travail à Char­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­roi de 1951 à 1955, en section indus­­­­­­­­­­­­­trielle pour ouvriers sur machine-outil.

En septembre 1955, il est embau­­­­­­­­­­­­­ché comme tour­­­­­­­­­­­­­neur dans la société Dutran­­­­­­­­­­­­­noit à Char­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­roi1. Il quitte l’en­­­­­­­­­­­­­tre­­­­­­­­­­­­­prise en janvier 1958 et va travailler sur le site français de la multi­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­­­­­nale Baume & Marpent, une entre­­­­­­­­­­­­­prise de construc­­­­­­­­­­­­­tion métal­­­­­­­­­­­­­lique.

Un parcours profes­­­­­­­­­­­­­sion­­­­­­­­­­­­­nel au sein des orga­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­­­­­tions du MOC

En janvier 1958, sa vie profes­­­­­­­­­­­­­sion­­­­­­­­­­­­­nelle prend une autre direc­­­­­­­­­­­­­tion : il devient perma­nent au sein des orga­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­­­­­tions ouvrières chré­­­­­­­­­­­­­tiennes. Encore étudiant à l’UT, Claude Clippe s’en­­­­­­­­­­­­­gage à la Jeunesse ouvrière chré­­­­­­­­­­­­­tienne (JOC). Il relance la section locale à Solre-sur-Sambre et en devient président en août 1955. En février 1958, il accepte de deve­­­­­­­­­­­­­nir perma­nent fédé­­­­­­­­­­­­­ral de la JOC du Brabant wallon, section Wavre-Court-Saint-Étienne. « Mordu par l’ap­­­­­­­­­­­­­pel de Cardijn », Claude se rappelle combien cette école forge l’adulte engagé qu’il devien­­­­­­­­­­­­­dra. Son mariage, le 8 août 1959 avec Lucienne Piette, met fin à son impli­­­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­­­tion dans les orga­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­­­­­tions de jeunesse.

En août 1959, Claude Clippe devient perma­nent pour les Groupes d’Ami­­­­­­­­­­­­­tiés. Il s’agit d’ac­­­­­­­­­­­­­com­­­­­­­­­­­­­pa­­­­­­­­­­­­­gner les jeunes hommes appe­­­­­­­­­­­­­lés à faire leur service mili­­­­­­­­­­­­­taire, de main­­­­­­­­­­­­­te­­­­­­­­­­­­­nir un réseau d’ami­­­­­­­­­­­­­tié et une pratique reli­­­­­­­­­­­­­gieuse. Le jeune couple s’ins­­­­­­­­­­­­­talle à Bruxelles jusqu’en avril 1964, moment où Claude accepte un poste d’em­­­­­­­­­­­­­ployé à la Mutua­­­­­­­­­­­­­lité chré­­­­­­­­­­­­­tienne à Lobbes. En février 1965, il devient Secré­­­­­­­­­­­­­taire fédé­­­­­­­­­­­­­ral du Mouve­­­­­­­­­­­­­ment ouvrier chré­­­­­­­­­­­­­tien à Walcourt. Sa mission est de coor­­­­­­­­­­­­­don­­­­­­­­­­­­­ner, de renfor­­­­­­­­­­­­­cer la présence des orga­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­­­­­tions ouvrières chré­­­­­­­­­­­­­tiennes dans la région et de les repré­­­­­­­­­­­­­sen­­­­­­­­­­­­­ter auprès de la démo­­­­­­­­­­­­­cra­­­­­­­­­­­­­tie chré­­­­­­­­­­­­­tienne affi­­­­­­­­­­­­­liée au Parti social chré­­­­­­­­­­­­­tien (PSC). À cette époque, il a égale­­­­­­­­­­­­­ment la charge de l’ani­­­­­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­­­­­tion des équipes popu­­­­­­­­­­­­­laires locales.

Claude met à profit ce temps pour parfaire sa forma­­­­­­­­­­­­­tion intel­­­­­­­­­­­­­lec­­­­­­­­­­­­­tuelle. Il s’ins­­­­­­­­­­­­­crit dans le groupe de Char­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­roi de l’ISCO. Cette forma­­­­­­­­­­­­­tion de quatre ans (1966 à 1970) délivre un graduat en sciences sociales du travail, diplôme contre­­­­­­­­­­­­­si­­­­­­­­­­­­­gné par l’Uni­­­­­­­­­­­­­ver­­­­­­­­­­­­­sité Notre-Dame de la Paix de Namur, après la présen­­­­­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­­­­­tion d’un mémoire2.

En 1972, Claude Clippe devient perma­nent aux Equipes Popu­­­­­­­­­­­laires, mi-temps à la Fédé­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­tion de Namur et mi-temps au Centre natio­­­­­­­­­­­nal à Bruxelles. Il s’ins­­­­­­­­­­­talle à Floreffe, sa commune d’adop­­­­­­­­­­­tion où il anime égale­­­­­­­­­­­ment une équipe popu­­­­­­­­­­­laire. À Namur, il lance avec son équipe fédé­­­­­­­­­­­rale, un jour­­­­­­­­­­­nal, Debout, dont le premier numéro sort le 3 décembre 1974 : « Nous voulions valo­­­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­­­ser tout ce qui se disait, se faisait, se vivait dans les équipes, dans le monde du travail et dans la Fédé­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­tion […] Je récol­­­­­­­­­­­tais les articles, les frap­­­­­­­­­­­pais, et tour­­­­­­­­­­­nais les sten­­­­­­­­­­­cils […] C’était le travail normal du perma­nent ainsi que l’as­­­­­­­­­­­sem­­­­­­­­­­­blage, le collage des timbres et l’ins­­­­­­­­­­­crip­­­­­­­­­­­tion des adresses »3.

Une prési­­­­­­­­­­­dence aux enga­­­­­­­­­­­ge­­­­­­­­­­­ments multiples

En 1977, il passe à temps plein au Centre natio­­­­­­­­­­­nal des EP et succède en 1982 à Maurice De Backer. Il est le 5e président des EP, fonc­­­­­­­­­­­tion qu’il occupe jusqu’au 30 août 1989. À l’oc­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­sion de cette passa­­­­­­­­­­­tion de témoin, André Dejar­­­­­­­­­­­din, jour­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­­­liste à Vers l’ave­­­­­­­­­­­nir, observe que « De Backer et Clippe par leur passé fami­­­­­­­­­­­lial sont des hommes d’ex­­­­­­­­­­­pé­­­­­­­­­­­rience ouvrière, l’un et l’autre passant par la JOC, ont reçu l’em­­­­­­­­­­­preinte de Cardijn, et la foi chré­­­­­­­­­­­tienne à laquelle l’un et l’autre se réfèrent, ne semble pas passer par des cours de théo­­­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­­­gie, mais bien par Jésus incarné, un Jésus présent dans l’hu­­­­­­­­­­­main, dans le vécu du monde du travail »4. Claude Clippe précise plus tard : « Avec les années, cette démarche de foi est deve­­­­­­­­­­­nue davan­­­­­­­­­­­tage une recherche de sens, où chacun peut avoir l’oc­­­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­­­sion d’ex­­­­­­­­­­­pri­­­­­­­­­­­mer ce qui motive sa lutte dans un dialogue vrai et égali­­­­­­­­­­­taire »5.

Claude s’in­­­­­­­­­­­ves­­­­­­­­­­­tit aussi dans les Familles popu­­­­­­­­­­­laires à Lourdes (FPL). Ce service commun aux Équipes et à Vie fémi­­­­­­­­­­­nine orga­­­­­­­­­­­nise chaque année, des pèle­­­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­­­nages à Lourdes. Sa prési­­­­­­­­­­­dence est bali­­­­­­­­­­­sée par l’adop­­­­­­­­­­­tion des options fonda­­­­­­­­­­­men­­­­­­­­­­­tales du mouve­­­­­­­­­­­ment des EP en 1982 et par la Mani­­­­­­­­­­­fête orga­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­sée en 1987 à Floreffe, pour le 40e anni­­­­­­­­­­­ver­­­­­­­­­­­saire des Équipes Popu­­­­­­­­­­­laires, en présence de 5.000 personnes.

Au niveau inter­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­­­nal, Maurice De Backer et Claude Clippe sont actifs au sein du Mouve­­­­­­­­­­­ment mondial des travailleurs chré­­­­­­­­­­­tiens (MMTC). Ils parti­­­­­­­­­­­cipent à de nombreuses rencontres que Claude quali­­­­­­­­­­­fie « de rencontres riches en lien direct avec les réali­­­­­­­­­­­tés vécues par les travailleurs et travailleuses dans les diffé­­­­­­­­­­­rentes régions du monde »6. Le 1er janvier 1998, après une période de prépen­­­­­­­­­­­sion, il est admis à la retraite.

Claude Clippe est un laïc engagé dans l’Église. Membre de la Commis­­­­­­­­­­­sion d’étude et de pasto­­­­­­­­­­­rale ouvrière (CEPO), il est aussi membre du Conseil géné­­­­­­­­­­­ral de l’apos­­­­­­­­­­­to­­­­­­­­­­­lat des laïcs de la Belgique fran­­­­­­­­­­­co­­­­­­­­­­­phone (CGAL)7. Élu président en 1989, il pilote avec Gene­­­­­­­­­­­viève Ryck­­­­­­­­­­­mans, vice-prési­­­­­­­­­­­dente et avec le groupe de travail « Passe­­­­­­­­­­­port 2000 », la première Assem­­­­­­­­­­­blée inter­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­dio­­­­­­­­­­­cé­­­­­­­­­­­saine des catho­­­­­­­­­­­liques en Belgique fran­­­­­­­­­­­co­­­­­­­­­­­phone qui se tient à Louvain-la-Neuve, le 25 septembre 19948. Plus de 12.000 personnes y parti­­­­­­­­­­­cipent. Claude Clippe est un chré­­­­­­­­­­­tien fidèle. Il aime l’Église et le message libé­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­teur du Christ, mais reste critique face à l’évo­­­­­­­­­­­lu­­­­­­­­­­­tion de l’Ins­­­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­­­tion dont il dénonce les conser­­­­­­­­­­­va­­­­­­­­­­­tismes et les rigi­­­­­­­­­­­di­­­­­­­­­­­tés qui se
multi­­­­­­­­­­­plient ces dernières années9 . « J’ai mal à mon Église »10, écrit-il. Claude Clippe est aussi auteur d’un très beau crédo : Je crois…

« Je crois que ce monde que nous bâtis­­­­­­­­­­­sons ensemble dans et par nos équipes se situe dans le grand projet de libé­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­tion de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes, qu’un soir d’hi­­­­­­­­­­­ver, un enfant né dans une étable à Beth­­­­­­­­­­­léem est venu mettre en route.
Je crois… Cela me fait vivre, donne tout son sens à ma vie, à mon enga­­­­­­­­­­­ge­­­­­­­­­­­ment de travailleur avec d’autres travailleurs, dans les Equipes popu­­­­­­­­­­­laires et le mouve­­­­­­­­­­­ment ouvrier »11.

Marie-Thérèse Coenen
Histo­­­­­­­­­­­rienne, cher­­­­­­­­­­­cheuse asso­­­­­­­­­­­ciée au CARHOP


1. Note de Claude Clippe dans Ques­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­naire en prépa­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­tion d’une notice pour le Diction­­­­­­­­­naire biogra­­­­­­­­­phique du mouve­­­­­­­­­ment ouvrier en Belgique (DBMOB), juillet-août 2021
2. CLIPPE C., Approche de la menta­­­­­­­­­lité ouvrière en région semi-rurale, ISCO, Char­­­­­­­­­le­­­­­­­­­roi, 1970. Il dédi­­­­­­­­­cace ce travail à son père et à sa mère. Son mémoire annexe porte sur La philo­­­­­­­­­so­­­­­­­­­phie d’Em­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­nuel Mounier et son actua­­­­­­­­­lité contem­­­­­­­­­po­­­­­­­­­raine, ISCO, Char­­­­­­­­­le­­­­­­­­­roi, 1970.
3. Témoi­­­­­­­­­gnage de Claude Clippe, Debout, n°100, [mai 1991], p. 10–11.
4. DEJARDIN A., « Les équipes popu­­­­­­­­­laires, une sorte de JOC des travailleurs adultes », Vers l’ave­­­­­­­­­nir, Jeudi 17 mars 1983.
5. « Travailleurs en équipe », L’ap­­­­­­­­­pel, novembre 1982, p.19.
6. Entre­­­­­­­­­tien avec M.-T. Coenen, Floreffe, juin 2021
7. devient la Commis­­­­­­­­­sion inter­­­­­­­­­­­­­­­­­dio­­­­­­­­­cé­­­­­­­­­saine des laïcs (CIL).
8. « Avant-propos signé Claude Clippe et Gene­­­­­­­­­viève Ryck­­­­­­­­­mans », Conseil
géné­­­­­­­­­ral de l’apos­­­­­­­­­to­­­­­­­­­lat des laïcs, Passe­­­­­­­­­port pour l’an 2000. Cinq défis majeurs, vus par des catho­­­­­­­­­liques en Belgique fran­­­­­­­­­co­­­­­­­­­phone, 1996.
9. CLIPPE C., Le Saint-Esprit, personna non grata au Vati­­­­­­­­­can ? Vers l’ave­­­­­­­­­nir, 28 janvier 2009, repris dans Florif­­­­­­­­­foux, Feuille parois­­­­­­­­­siale 15 février 2009., p.1.
10. Idem
11. CLIPPE Claude, Je crois, s.d., extrait

Autres actualités

Voir toutes les actualités