Gouvernement Arizona : virage à l’extrême toute
Depuis la fin janvier, nous avons un nouveau gouvernement. À la découverte des mesures annoncées par l’Arizona, nous sommes à la fois peu surpris et écœurés par tout le mépris qu’elles expriment à l’égard des minorités et des populations précaires, par les valeurs qu’elles distillent, l’opposition qu’elles attisent entre les « bons » et les « mauvais » citoyens. Je vous propose un petit tour d’horizon du projet de société que notre nouveau gouvernement défend. Attention, ça risque de vous secouer !
Numérique au centre
L’Arizona souhaite rendre l’e-Box, (boite mail qui centralise des documents et des messages numériques de centaines d’organismes officiels, dont les gouvernements fédéral et régionaux, les villes et les communes) obligatoire. Cela va à l’encontre de notre conception du rapport au numérique, qui doit rester une possibilité, pas une obligation. Notre priorité est de maintenir des guichets physiques afin de s’assurer que tous les habitants soient traités de la même manière. Il est aussi question dans le programme de s’assurer d’embarquer tout le monde dans le wagon numérique en incluant cette préoccupation dès l’étape de la conception d’un outil. « Leur logique, c’est d’asseoir le numérique comme mode de communication central et de prévoir un « à côté » accessible, le contact téléphonique avec un agent à l’autre bout du fil devient la marge. Cela devrait être l’inverse. D’autant que la vision de la fracture numérique décrite dans les textes est simpliste : ils la réduisent aux personnes âgées et en situation de handicap alors qu’en réalité, toutes les catégories sociales sont concernées à des degrés divers. Il y a par ailleurs un enjeu écologique, internationaliste (quid de l’extractivisme nécessaire pour obtenir les ressources pour la numérisation ?), de même qu’un enjeu de protection des données qui ne sont pas du tout abordés ici. », rappelle Charlotte Renouprez, présidente des Équipes Populaires. Nous veillerons à ces points d’attention dans les prochains mois, le numérique étant une de nos priorités de travail de cette année. Nous sommes d’ailleurs en train de constituer une plateforme associative pour faire entendre les droits des personnes à disposer de leur choix de moyen de communication et, par extension, à garantir l’accès de toutes et tous aux services publics.
La sécu gravement attaquée
Un combat culturel est mené contre la sécurité sociale. On parle de « pression fiscale » et pas d’« investissement nécessaire » qui permet à la collectivité d’améliorer ses conditions de vie. Il est prévu d’augmenter le pouvoir d’achat en diminuant la cotisation spéciale de sécurité sociale et en renforçant le bonus à l’emploi. Or, toute cette partie du salaire (le brut) permet de constituer le pot commun qui permet une protection face aux accidents de la vie. La réforme fiscale du gouvernement ne vise pas à globaliser les revenus, à augmenter la progressivité ou à taxer davantage le patrimoine ou les revenus issus du capital. « D’un côté, le gouvernement soutient par la voie fiscale et parafiscale le revenu des travailleur·euse·s (relèvement de la quotité exemptée d’impôt, suppression de la cotisation spéciale de sécurité sociale, renfor cement du bonus à l’emploi) et multiplie les cadeaux fiscaux aux indépendants (déduction sur leur première tranche de revenus) et aux grandes entreprises (baisse des cotisations sociales, renforcement de la déduction des investissements, augmentation des avantages extra-légaux, promotion du capital-risque), au nom de la compétitivité et du fait de récompenser le travail. De l’autre, il finance partiellement ces déductions en augmentant la pression fiscale sur les allocataires sociaux, la TVA sur certains produits non écologiques malgré l’impact dégressif de ces taxes… et en soutenant la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Ce qui laisse un trou budgétaire de 3,9 milliards €. En prenant en compte les maigres recettes des “épaules les plus fortes”, il reste un trou de 1,6 milliard, qui devra être compensé par des coupes dans les dépenses. Ainsi, l’effort budgétaire pour respecter le cadre budgétaire européen et le financement des nouvelles politiques (défense, administrations locales, sécurité, solde de la réforme fiscale) va massivement se faire via des coupes budgétaires qui auront essentiellement lieu dans les dépenses sociales », soutient le MOC.
L’attaque contre la sécu n’est pas une nouveauté, nous avons tenu à plusieurs reprises aux Équipes Populaires à rappeler son importance, que ce soit au travers de campagnes en propre ou au sein du Réseau pour la justice fiscale dans lequel nous sommes actifs1. Et cette année, notre thème de campagne décidé par nos militants est la fiscalité, avec comme angle d’approche la revalorisation de l’image de l’impôt. Vous aurez dans les prochains mois de nos nouvelles !
Une politique de non-immigration
L’Arizona a dans sa ligne de mire plusieurs publics dont les migrants. Au programme : intensification des campagnes de dissuasion, renforcement de la politique de retour « efficace, ferme mais humaine », contrôle plus étroit des demandeurs d’asile déboutés en imposant notamment des obligations de signalement. Bref, on fait un bond de géant dans la criminalisation des migrants. Et pour celles et ceux qui auront le sésame, il est prévu de limiter le regroupement familial et d’exiger des personnes migrantes une « intégration maximale ».
Parmi ces annonces toutes plus réjouissantes les unes que les autres, il est prévu d’octroyer une aide sociale aux primo-arrivants seulement après 5 ans : que feront-ils en attendant ? Nous n’avons pas tout recensé mais vous l’aurez compris, c’est une politique de non-immigration qui vire un peu plus à l’extrême droite.
Le lien comme riposte
« Les personnes concernées vont continuer à migrer. En revanche, cela va produire plus de pauvreté, de précarité, de mise en com pétition. Ce qui met plus de gens à la merci des marchands de sommeil, des narcotrafiquants, des exploitations sexuelles et autres exploiteurs en tout genre. Quid des initiatives citoyennes de solidarité et d’aide directe ? Seront-elles aussi pénalisées ? », s’indigne Charlotte Renouprez. Mais cela n’empêchera pas nos régionales actives sur la question de continuer à déconstruire les idées reçues, favoriser la rencontre, créer du lien, faire en sorte que les gens se parlent et s’écoutent. À la lecture de ces quelques lignes, on comprend que le rejet de la diversité, du vivre ensemble est au cœur de la politique de l’Arizona. Et ça se retrouve également dans son approche de la lutte contre les discriminations en Belgique. Le gouvernement affirme que l’égalité des chances est importante mais dans le même temps, il annonce la diminution de 25% du financement d’Unia (l’ex-Centre pour l’égalité des chances).
Et ce ne sont pas les seuls qui en font les frais. Toutes les personnes qui bénéficient de la sécurité sociale (maladies de longue durée, accidents de la vie) sont suspectes et doivent, selon le nouveau gouvernement, être remises rapidement au travail. Pour les
demandeurs d’emploi, les allocations seront limitées à deux ans maximum et il faudra avoir travaillé au total cinq ans pour bénéficier de deux ans d’allocations avec une dégressivité plus forte.
À nouveau, ces mesures sont purement idéologiques, ce n’est pas la limitation des allocations dans le temps qui permet de retrouver plus facilement ou plus rapidement du travail, ce n’est pas ce type de mesures non plus qui permet de diminuer de façon significative les dépenses de l’État : les dépenses passent d’une « caisse » à l’autre, des allocations de chômage vers le revenu d’intégration sociale… qui est d’ailleurs lui-même conditionné !
Précariser pour mieux dominer
Ce type de mesures aura au final pour seul effet d’enfermer un peu plus les personnes dans des situations de vie déjà difficiles : « Pour le gouvernement, lutter contre la pauvreté, c’est orienter vers un emploi de qualité. Or il n’y a pas que la question du revenu, mais aussi celle des conditions que l’on accepte ou pas pour avoir un revenu (quel type de travail, où est-il situé, quels horaires, quelle pénibilité) et celle des coûts. Il y a un impératif d’agir sur les prix en général (logement, soins de santé, accès à l’enseignement) en réinvestissant notamment dans les services publics et la sécurité sociale. Ou en abolissant le statut de cohabitant. Mais cela n’est pas au programme. La lutte contre la pauvreté, ça doit être une question d’émancipation individuelle et collective. C’est un enjeu démocratique. Il ne s’agit pas simplement de fournir de la main-d’œuvre pour certains secteurs »,explique Charlotte Renouprez.
Enfin, je termine ce tour par une autre cible qui en prend aussi pour son grade : l’environnement ! L’obsession de ce gouvernement, c’est de faire tourner l’économie, consommer encore et toujours plus, quitte à exploiter les humains, les sols, la biodiversité. Il fait le choix d’ignorer que les ressources de la planète sont limitées et qu’il faut consommer moins si on veut réduire l’ampleur de la catastrophe. Croissance de l’économie, augmentation de la productivité et compétitivité ne vont, de notre point de vue, pas de pair avec une politique climatique à la hauteur des enjeux.
Consommer, vider, appauvrir, exploiter
Parmi les mesures annoncées, l’élargissement du taux de TVA réduit de 6% à tous les projets de démolition et reconstruction, y compris pour les biens commercialisés par des professionnels. Par ce biais, le nouveau gouvernement souhaite encourager la
rénovation de logements. « Cette proposition est bénéfique pour le secteur de la construction et du PIB, mais d’un point de vue écologique et social ça ne résout pas la question, au contraire.
Pour améliorer l’accès au logement, c’est en réinvestissant dans le logement social et en menant une politique d’encadrement et de taxation des loyers qu’on y arrivera collectivement. », souligne Charlotte Renouprez. Et d’ajouter : « La seule vision proposée ici est celle de la croissance verte. Globalement, on trouve trois pages sur le climat. On ne trouve rien sur quelle vision stratégique il faudrait adopter à court, moyen ou long terme. Ni, quelles ambitions on devrait poursuivre, mis à part celle de la croissance économique et industrielle ».