Le Musée du Capitalisme à Liège : visite en bonne compagnie !
Après avoir voyagé pendant dix ans à travers la Belgique, le Musée du Capitalisme a pris ses quartiers au Centre Liégeois du Beau-Mur début 2025, sous l’impulsion notamment de notre régionale de Liège-Huy-Waremme. Des visites guidées ont été organisées et en tout ce sont plus de 750 visiteurs qui ont déambulé le long de ce musée-parcours qui démystifie notre système économique. Parmi les visiteurs, le groupe des Papotes futées d’Othée et les Têtes pa/ensantes de Verlaine ont profité ensemble de la visite assurée par Ariane, animatrice à la régionale. L’occasion de discuter des origines du capitalisme, des espoirs suscités, des limites du système et des alternatives. Nous étions présents.
Pour explorer le système économique et ses multiples dimensions, et en saisir les mécanismes et les enjeux, le Musée est divisé en quatre salles thématiques : Origines, Espoirs, Limites et Alternatives. Le groupe est impatient de commencer ce parcours interactif, mais avant, Ariane, notre guide, nous rappelle ce qu’est le capitalisme : « C’est un système avec une exigence d’accumulation de profit. On ne sait pas très bien pourquoi, ni quand ça va se terminer, mais le but est d’accumuler toujours plus. Tout cela est possible grâce à la notion de « propriété privée ». Car si tout était à tout le monde, à la collectivité, il ne serait pas possible d’accumuler de richesses personnelles ». Réaction des participants : c’est donc l’individualisme qui fait grandir le système capitaliste !
Le Musée du Capitalisme est une ASBL qui propose une exposition itinérante et innovante sur notre système économique et culturel. Le contenu est accessible à un large public, à travers une ambiance interactive et agréable à visiter. Cette exposition bilingue offre un espace original d’apprentissage sur notre société, à travers quatre salles : origines, espoirs, limites et alternatives du capitalisme. En abordant des thèmes comme l’alimentation, la santé, la culture, la consommation ou la finance, cette exposition, ouverte à tout public dès 15 ans, se veut être un espace de mise en débat du système économique et social qui structure nos vies. L’exposition est engagée mais non partisane, elle est un outil au service de la citoyenneté active. À ce jour, plus de 30.000 personnes ont visité l’exposition ainsi que des centaines d’écoles. Une place toute particulière est accordée à l’accessibilité (géographique, financière et pour tous les publics) et à la participation. Un effort de vulgarisation sur le fonctionnement du système qui nous entoure est réalisé pour permettre au public de mieux le comprendre. Acquérir des clés de compréhension sur la société et les phénomènes sociaux qui nous entourent est essentiel pour ensuite pouvoir agir.
Salle « Origines »
Notre visite débute donc par la salle « Origines ». Sur une carte du monde, des lieux et des dates sont mis en évidence. Les visiteurs sont invités à pointer du doigt où se trouve, selon eux, le début du capitalisme. Josiane pointe l’an 985, avec un dessin qui représente des drakkars et qui signifie la colonisation du Groenland par l’Islande.
D’autres, comme Martine et Concetta, sont sensibles à la date de la découverte (ou l’appropriation) des Amériques par Christophe Colomb. Le point commun ? Ces moments marquants de l’histoire ont lié les continents entre eux. Les échanges et le commerce à grande échelle ont été rendus possibles. De l’alcool et des armes contre du café et du tissu, ou même des esclaves. En fait, il n’existe pas une origine bien déterminée à la naissance du capitalisme. Il n’est pas apparu ou tombé du ciel à un moment bien précis mais il est le résultat d’une série de facteurs, une convergence d’événements.
Tout comme pour la définition du capitalisme, il existe donc plusieurs points de vue sur les origines de ce système, et c’est là tout l’intérêt des discussions qui ont émergé dans cette partie du Musée. Mais ce qui a nourri les réflexions, à peine le parcours entamé, ce sont les dérives de ce système, apparues en même temps que lui, comme le souligne Nadia : « On a volé les richesses, on s’est appropriés des territoires et les gens ». Et Luc d’enchérir : « On est tous nés libres, mais quand je vois qu’on a échangé des personnes contre de l’argent, c’est inadmissible… comment peut-on être propriétaire de quelqu’un ? ».
Salle « Espoirs »
La seconde salle présente différents espoirs soulevés par le capitalisme, dans un contexte de révolution industrielle et de luttes syndicales. On explore ces espoirs à travers des focus sur l’alimentation, la santé, le travail, le confort de vie, l’ascension sociale et la mondialisation. Pour cela, les visiteurs ont reçu comme mission de mettre en avant des choses positives nées du système capitaliste. Mais cette demande ne suscite pas grand enthousiasme…
La guide insiste : « Pensez aux congés payés ! » mais non, pour les participants, ces derniers sont le fruit des combats syndicaux et des luttes sociales. « Pensez aux vacances alors ! On peut aller aux quatre coins du monde, alors que quand nos grands-parents allaient en Ardenne, c’était l’excursion de l’année » mais toujours pas. Enza estime qu’il n’y a plus de rêves, plus rien à découvrir, on peut tout acheter mais c’est du bonheur à court terme. Même les appareils Moulinex qui ont soi-disant « libéré la femme », cela ne convainc pas. Décidément, le groupe a du mal à trouver du charme au capitalisme ! C’est qu’une vie réussie, selon l’angle capitaliste, est une vie d’enrichissement pécuniaire, mais qui ne dit rien du bonheur véritable.
Bill Gates ou J. K. Rowling ont les poches pleines, mais au fond, ces gens riches sont-ils heureux s’interroge Luc ? Le reste du groupe de répondre, en choeur, que c’est peu probable. Actuellement, le bonheur est lié à la consommation, on nous vend cette image, ce modèle de réussite qu’avoir de l’argent, de la notoriété, travailler toujours plus, et se payer ce qu’on veut, c’est être heureux. Mais pour nos compagnons de visite comme Martine, Huberte, Élise ou encore Cenzi, c’est la famille, les relations et les rêves, pas d’être millionnaire.
Salle « Limites »
Dire du bien du capitalisme n’a donc pas déchainé les passions. Mais nous voilà maintenant dans la salle des « limites », le groupe va pouvoir se lâcher. À l’instar de la salle Espoirs, différentes thématiques sont ici abordées à travers les supports répartis dans l’espace. Mais cette fois-ci, on traite du prix à payer, du revers de la médaille des promesses du système capitaliste.
C’est Monique qui ouvre le feu des critiques : « On nous oblige à consommer. Il y a l’obligation d’avoir un ordinateur ou un smartphone pour pouvoir participer à la société, et tout cela ça se paye ! Nous sommes sur un modèle où il en faudra toujours de plus en plus ». Et Luc d’ajouter : « Nos grands-parents se sont battus pour les congés et le week-end, et bientôt nous recommencerons à travailler 7/7, 24/24. Travailler toujours plus ! ». Du dérèglement climatique en passant par les inégalités, il y a de quoi trouver à redire, comme l’explique Ariane : « L’énergie utilisée par le système capitaliste est énorme : bois, charbon, pétrole, électricité… les nouvelles sources s’additionnent aux anciennes au lieu de les remplacer !
La logique capitaliste veut trouver des solutions technologiques pour continuer à consommer, alors qu’il est clairement établi que nous consommons bien plus de ressources naturelles que ce que la terre peut produire ou régénérer. Il faudrait 6 planètes si tout le monde consommait comme les Européens et les Américains ». Quant aux inégalités, elles se creusent de plus en plus.
Au niveau mondial, il y a tendance à avoir moins de riches, mais qui gagnent de plus en plus. Une petite partie de la population possède presque l’entièreté des richesses. Un non-sens relevé par Luc : « Quand ils n’auront plus que leur argent, que vont-ils en faire ? Il n’y aura plus personne pour les nourrir ! ». Le passage par le couloir de la surconsommation donne ainsi raison à Monique qui nous disait plus tôt que la société nous faisait consommer toujours plus : sur les murs, 500 objets sont répertoriés. Des choses que l’on possède personnellement ou que l’on désire ; auxquelles on tient un peu, beaucoup ? Certaines que l’on partage ? Que l’on offre ? Des choses utilisées et réutilisées ? Dont nous avons réellement besoin ? ou seulement envie ? Un moment intéressant de réflexion intérieure pour chacun avant d’aboutir à la salle qui conclut cette visite.
Salle « Alternatives »
Il est important de ne pas s’arrêter à la constatation des limites du système qui nous entoure. Grâce à la grande fresque des alternatives, les participants ont discuté pendant une heure de toutes les idées concrètes, même à petite échelle, qui leur venaient à l’esprit. Place à l’échange, et au débat !
Pour Enza, « pour changer le monde, il faut commencer avec les enfants et les petits, cela passe par l’éducation ». Mais difficile pour les jeunes de se responsabiliser avec la mode des influenceurs et des réseaux sociaux, ou l’ouverture de salon d’esthétique pour des très jeunes. On pousse les jeunes à la consommation, on crée des besoins. Christine explique que sa fille consomme beaucoup de vêtements de mauvaise qualité, comme chez Shein, or ça pollue énormément car les vêtements qu’on renvoie sont détruits.
Les plus anciens répondent qu’avant, on pensait que ce qui était cher était en fait bon marché car de qualité, on le faisait durer. Maintenant, les gens jettent après un an ce qui n’est plus à la mode. « Moi, j’achète en seconde main, mes vêtements et l’électroménager » nous dit Nadia. D’autres récupèrent des objets sur les trottoirs et les transforment, certains empruntent ou louent au lieu d’acheter. Assunta préfère aller dans un repair café plutôt que jeter. Bourses d’échanges de graines, jardins partagés, groupes d’achat commun, services d’échanges locaux… de nombreuses initiatives existent déjà pour déjouer le capitalisme !
Mais les participants ont aussi pointé du doigt les progrès qu’il reste à faire : plus de transports en commun, une réduction du temps de travail sans perte de salaire, ne plus robotiser à tout va, baisser le salaire des ministres et des grands patrons pour qu’ils ne soient plus déconnectés de la « vraie » vie… Mais la proposition qui est le plus revenue dans la conversation, c’est de revoir nos modes de vie, comme le résume Sophie : « Nous nous sommes habitués à combler des besoins qui ne sont plus acceptables et c’est difficile de revenir en arrière. Les vacances, la consommation… Aller mettre de la fausse neige pour que les gens puissent skier, c’est une aberration ! »
Un passage réussi !
Le passage du Musée à Liège a rencontré un vif succès, les organisateurs ont même dû élargir les horaires d’ouverture pour répondre à toutes les demandes. Pourtant, les membres d’Othée et de Verlaine étaient tous d’accord pour dire qu’encore plus de personnes devraient visiter ce genre de musée, car trop de gens ne se sentent pas concernés et ne comprennent pas le système dans lequel ils évoluent. Comme en témoigne Monique : « Je croyais que le capitalisme, ce n’était qu’une affaire d’argent, je ne savais pas que c’était un système qui englobe tellement de choses comme l’alimentation, le travail, la pollution… Mais j’ai l’impression que les consommateurs sont de plus en plus responsables et qu’il y a des choses qui commencent à changer ! ».
Suite aux échanges du jour, les groupes ont décidé de programmer la visite d’une ressourcerie ainsi qu’un atelier avec Financité afin d’en savoir plus sur les banques et l’éthique. Vous aussi, vous avez envie de visiter le Musée ? On nous chuchote à l’oreille qu’en 2026, la régionale du Brabant wallon accueillera à son tour l’exposition, nous vous tiendrons au courant des modalités !
[ Les discussions ont été riches et passionnées, nous espérons avoir attribué chaque citation à son propriétaire. Dans le cas contraire, nos sincères excuses 😌 ]