[REVUE] Impérissable éducation permanente
Le but du chemin est le chemin lui-même
Guillaume Lohest
Crise démocratique, montée des populismes et de l’extrême droite, désinformation, catastrophes écologiques, isolement social, précarité, fracture numérique… Le monde vacille, et il est difficile d’affirmer que c’est pour le mieux. À chaque recoin du paysage, des urgences. À chaque détour, des colères. Et, dans ce tumulte ambiant, une question simple : l’éducation populaire est-elle encore utile ?
La réponse est sans détour : oui, plus que jamais.
Non pas parce qu’elle détiendrait une solution miracle. Ni pour « remporter la bataille des idées » – qui est une autre affaire. Pas même pour « garder espoir ». Non pas au service d’un objectif, au fond, mais pour elle-même. L’éducation populaire – ou éducation permanente, comme nous l’appelons en Belgique francophone – est sa propre fin. Même en ces temps où l’on peine à discerner un horizon positif, elle continue de créer des espaces où l’on se parle vraiment, où l’on se confronte, où l’on comprend ce qui nous arrive, où l’on agit ensemble. Elle n’a pas à craindre le doute, le conflit, la fatigue.
Ce numéro s’ouvre sur les multiples sources de l’éducation permanente, mais il ne s’agit pas d’un hommage figé à une pédagogie du passé. Il se veut un instantané vivant des épreuves, des questionnements et des expériences que nous traversons. Il donne à voir des groupes locaux de notre mouvement qui ont inventé mille et une façons d’agir ensemble. Des initiatives collectives face à l’invasion du numérique. Des croisements entre luttes sociales et action communautaire. Des désarrois face aux récits complotistes. Des interrogations profondes sur la possibilité même de continuer à y croire, quand tout semble glisser vers le pire.
L’éducation populaire ne cherche ni à plaire, ni à faire du bruit. À rebours de nos réflexes d’efficacité, de nos attentes de résultats et de notre obsession pour les objectifs, elle remet sans cesse au centre la question du comment. Quel que soit le but que l’on, vise, il importe moins que la manière d’y parvenir.
Sur son lit de mort, mon grand-père m’a parlé de Confucius : « Le but du chemin, c’est le chemin lui-même. C’est prodigieux, cela ! » s’enthousiasmait-il. En vérifiant la source – indéracinable esprit critique ! – il semble que ce soit plutôt inspiré de Lao-Tseu ou de Goethe… mais peu importe. Cette phrase est d’un immense secours pour l’éducation permanente aujourd’hui. Elle l’inscrit dans l’héritage d’une sagesse universelle et immémoriale. Elle demeure aussi d’une actualité brûlante.
Bonne lecture !
Consultez le dossier en ligne : Revue Contrastes Juillet–Août 2025