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Des livres aux débats : le groupe « Arpen­tage » conti­nue d’ex­plo­rer la ques­tion de l’ex­trême droite

« Tout le monde vire-t-il à l’ex­­­­­­­trême droite ? » 

Vendredi 16 mai – Namur, avec le groupe Arpen­­­­­­­tage

C’est dans le train, entre discus­­­­­­­sions légères et réflexions plus profondes, que nous avons lancé notre toute première sortie collec­­­­­­­tive. Une belle occa­­­­­­­sion de prolon­­­­­­­ger et d’en­­­­­­­ri­­­­­­­chir nos ques­­­­­­­tion­­­­­­­ne­­­­­­­ments, nés de nos séances d’ar­­­­­­­pen­­­­­­­tage autour de la montée de l’ex­­­­­­­trême droite : pourquoi et comment ces partis progressent-ils si rapi­­­­­­­de­­­­­­­ment, en Belgique, en Europe, voire dans le monde entier ?

Et surtout : quelles actions peut-on mettre en place pour faire face ? 

La confé­­­­­­­rence fut dense et marquante. Les deux inter­­­­­­­­­­­­­ve­­­­­­­nants nous ont embarqués dans une traver­­­­­­­sée de sources, de données, de récits, qui faisaient écho à beau­­­­­­­coup de nos réflexions. Des conver­­­­­­­gences sont appa­­­­­­­rues, renforçant en nous cette convic­­­­­­­tion : il faut faire avec et non contre. 

Quelques pistes à rete­­­­­­­nir, en vrac mais pas sans lien : 

Une envie de chan­­­­­­­ge­­­­­­­ment… à n’im­­­­­­­porte quel prix ? 

Ce qui frappe, c’est que beau­­­­­­­coup de personnes qui votent pour l’ex­­­­­­­trême droite ne partagent pas réel­­­­­­­le­­­­­­­ment ses idées. Ce qu’elles expriment, c’est un rejet. Une profonde soif de chan­­­­­­­ge­­­­­­­ment. Le senti­­­­­­­ment d’un monde qui ne fonc­­­­­­­tionne plus pour elles. La perte des repères collec­­­­­­­tifs, de la soli­­­­­­­da­­­­­­­rité, du “vivre ensemble”.
Peut-être que le coupable est tout dési­­­­­­­gné, dans un récit néoli­­­­­­­bé­­­­­­­ral qui est martelé depuis des décen­­­­­­­nies : “Tu es seul respon­­­­­­­sable de ta situa­­­­­­­tion”. 

Quelques chiffres pour comprendre : parmi les jeunes qui votent à l’ex­­­­­­­trême droite, une majo­­­­­­­rité mange seule. 60 % des garçons et 40 % des filles, tous milieux confon­­­­­­­dus. C’est une géné­­­­­­­ra­­­­­­­tion qui doute de la démo­­­­­­­cra­­­­­­­tie actuelle, tout en étant para­­­­­­­doxa­­­­­­­le­­­­­­­ment la plus tolé­­­­­­­rante aux diffé­­­­­­­rences.
La morale n’est donc pas liée aux opinions.  

Il existe des “fleuves souter­­­­­­­rains” dans notre société : un mouve­­­­­­­ment invi­­­­­­­sible mais puis­­­­­­­sant de repli iden­­­­­­­ti­­­­­­­taire, souvent alimenté par un besoin criant de sécu­­­­­­­rité ignoré par l’État. Comme les gilets jaunes, les complo­­­­­­­tistes et le mouve­­­­­­­ment anti EVRAS. 

Les entre­­­­­­­pre­­­­­­­neurs du ressen­­­­­­­ti­­­­­­­ment 

Ce vide émotion­­­­­­­nel, ce désar­­­­­­­roi, certains savent en tirer profit. L’ex­­­­­­­trême droite moderne ne se contente plus de slogans chocs : elle devient habile, calcu­­­­­­­lée. Des figures comme GLB (inutile de le citer) ne croient peut-être même pas aux idées qu’ils diffusent, mais ils maîtrisent l’art du discours.
Ils surfent sur la colère, proposent des solu­­­­­­­tions simplistes, iden­­­­­­­ti­­­­­­­fient des boucs émis­­­­­­­saires (pauvres, migrants, chômeurs…) et rassurent les plus précaires avec des promesses de pouvoir et de contrôle. 

Et les médias ? Ils ampli­­­­­­­fient ces discours en proje­­­­­­­tant sur le public une image de “droi­­­­­­­ti­­­­­­­sa­­­­­­­tion” géné­­­­­­­ra­­­­­­­li­­­­­­­sée, accen­­­­­­­tuant encore la peur, la confu­­­­­­­sion, le besoin de réponses rapides. 

 

Une théo­­­­­­­rie percu­­­­­­­tante : le double mouve­­­­­­­ment 

L’un des moments les plus exigeants de la confé­­­­­­­rence fut sans doute l’in­­­­­­­ter­­­­­­­ven­­­­­­­tion autour de la théo­­­­­­­rie du double mouve­­­­­­­ment. D’un côté, l’éco­­­­­­­no­­­­­­­mie s’au­­­­­­­to­­­­­­­no­­­­­­­mise, se “désen­­­­­­­castre” des déci­­­­­­­sions démo­­­­­­­cra­­­­­­­tiques. De l’autre, des forces sociales tentent de la “réen­­­­­­­cas­­­­­­­trer”, de la soumettre à des règles humaines, sociales, écolo­­­­­­­giques. 

Vulga­­­­­­­ri­­­­­­­sons :
Le néoli­­­­­­­bé­­­­­­­ra­­­­­­­lisme vise à empê­­­­­­­cher les États de régu­­­­­­­ler l’éco­­­­­­­no­­­­­­­mie au nom de la liberté. Tout devient marchan­­­­­­­dise, y compris la santé, la nature, les droits sociaux.
Un exemple parlant : si les mutuelles dispa­­­­­­­raissent au profit d’as­­­­­­­su­­­­­­­rances privées, la file d’at­­­­­­­tente pour se faire soigner s’al­­­­­­­lon­­­­­­­ge­­­­­­­ra… et les plus riches passe­­­­­­­ront devant. 

La logique est simple : l’éco­­­­­­­no­­­­­­­mie pollue ? Ce n’est pas à elle de répa­­­­­­­rer. Le Pfas dans ton corps ? C’est “le prix de la compé­­­­­­­ti­­­­­­­ti­­­­­­­vité”.
Réen­­­­­­­cas­­­­­­­trer l’éco­­­­­­­no­­­­­­­mie, c’est remettre des limites : lois, fisca­­­­­­­lité juste, protec­­­­­­­tion sociale. Bref, une vraie sécu­­­­­­­rité pour toutes et tous. Pas celle de la peur, mais celle du lien, de la justice, du soin. 

 

Recon­­­­­­­nec­­­­­­­ter la démo­­­­­­­cra­­­­­­­tie au vivant 

Aujourd’­­­­­­­hui, la démo­­­­­­­cra­­­­­­­tie semble décon­­­­­­­nec­­­­­­­tée du terrain, des besoins réels. Pour qu’elle revive, elle doit entendre les morales fortes, celles qui naissent du quoti­­­­­­­dien des gens.
C’est ce que proposent des mouve­­­­­­­ments comme les Équipes Popu­­­­­­­laires : créer des ponts entre les vécus du terrain et les sphères de déci­­­­­­­sion. Pour faire remon­­­­­­­ter la parole de celles et ceux qui vivent, doutent, espèrent — face à des déci­­­­­­­deurs souvent figés dans une morale froide, abstraite. 

Cette rencontre fut bien plus qu’une confé­­­­­­­rence. Elle fut une confir­­­­­­­ma­­­­­­­tion : nous ne sommes pas seuls à penser que le repli ne vient pas de la haine, mais du vide. Et que pour répondre à ce vide, il nous faut bâtir, ensemble, des récits alter­­­­­­­na­­­­­­­tifs.
Des récits d’at­­­­­­­ten­­­­­­­tion, de soin, de lutte collec­­­­­­­tive. Où la sécu­­­­­­­rité n’est pas un privi­­­­­­­lège, mais un droit partagé. 

Mais cela ne suffit pas. Il nous faut aussi recréer des lieux communs, acces­­­­­­­sibles spon­­­­­­­ta­­­­­­­né­­­­­­­ment. Des espaces non marchands, ouverts, où l’on peut venir sans rendez-vous, sans carte de membre, sans justi­­­­­­­fi­­­­­­­ca­­­­­­­tif. Des lieux pour se rencon­­­­­­­trer, se croi­­­­­­­ser, discu­­­­­­­ter, ne rien faire, se sentir exis­­­­­­­ter ensemble. Des lieux qui permettent de retis­­­­­­­ser du lien, de l’écoute, de la soli­­­­­­­da­­­­­­­rité concrète. Car l’iso­­­­­­­le­­­­­­­ment social est le terreau idéal des extré­­­­­­­mismes. 

Le combat contre l’ex­­­­­­­trême droite ne se gagnera pas à coup de slogans “contre”.
Il se gagnera par la recons­­­­­­­truc­­­­­­­tion patiente de ce qui nous relie : du commun, du local, du collec­­­­­­­tif. Des lieux, des récits, des actions. 

Et ça, c’est déjà en route. 

Notre prochain arpen­­­­­­­tage

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