Démasquons les mots qui mentent ! (Contrastes, Octobre 2015)
Les mots qui mentent…
Le langage est une des plus belles des inventions humaines. Sans mots, pas de communication écrite ou verbale, et donc pas de vie sociale possible. Les mots peuvent être doux, violents, imagés, compliqués, drôles, cyniques, grossiers.
Ils peuvent aussi être manipulateurs ou menteurs, notamment lorsqu’ils sont au service d’intérêts particuliers ou d’une idéologie dominante. Les mots peuvent être en effet détournés de leur sens premier et servir à justifier des mesures qui aggravent les inégalités sociales. Des mots que l’on entend désormais partout, que l’on utilise parfois sans y penser.
Des mots comme “charges sociales” qui laissent croire que la solidarité dans une société serait un poids. Des mots comme « taxe » qui font oublier qu’avant tout, les impôts sont une contribution au financement des services collectifs.
Des mots comme “activation” qui font croire que le problème viendrait des chômeurs et pas du manque d’emplois disponibles… Sans crier gare, le néolibéralisme fait des ravages et pas seulement sur le plan économique et social.
Il a aussi colonisé les esprits en nous martelant avec des mots dont la transformation progressive du sens est lourde de conséquences.
Elle convainc une grande partie de la population qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme (le fameux « There is no alternative » de Margaret Thatcher). Ce lavage de cerveau opère donc un laminage idéologique qui discrédite tout autre courant de pensée et tente de casser l’espoir que des alternatives sont possibles.
… démasquons-les !
Tout cela, ce ne sont que des mots… mais l’important c’est l’action, direz-vous peut-être ! Sauf que…
Décrypter le langage néolibéral, appelé aussi Novlangue, permet de voir que le langage utilisé abondamment par les économistes, les politiques et les médias nous impose d’accepter la dérégulation sociale et l’accroissement des inégalités.
La répétition incessante des mots austérité, compétitivité, handicap salarial, poids de la dette publique, ce n’est pas que des « parrroles-parrrroles », cela a un impact bien réel sur notre vie quotidienne, sur notre emploi (ou pas), sur nos revenus…
Voir et comprendre ces mots permet de montrer au grand jour les stratégies qui se cachent derrière et de réaffirmer que notre choix de société n’est pas celui-là, mais bien celui de l’égalité, de la solidarité et du bien-être collectif.
Démasquer les mots qui mentent pour révéler “le vrai visage du néolibéralisme”, c’est l’objectif de la campagne de sensibilisation que les EP lancent cet automne 2015.
Pas de prise de tête, mais une campagne ludique et participative qui invite chacun, individuellement ou en groupe, à contribuer à l’élaboration d’un dictionnaire des mots qui mentent
Le 7 novembre à Liège, nous revisiterons également la célèbre émission du Jeu des dictionnaires versus « Le jeu du dicomenteur ». Et nous serons présents à différentes occasions (manifestations, animations d’ateliers…) pour faire de cet exercice autour des mots une véritable démarche d’éducation permanente.
Au sommaire de ce numéro de Contrastes,
• Un regard analytique sur des mots qui sont révélateurs de cette évolution du langage : la responsabilisation, l’austérité, les charges sociales, la compétence… ; • Une analyse de la manière dont s’est opérée l’offensive néolibérale et de la présence de la Novlangue dans les médias ;
• Des « jeux de mots »… au propre comme au figuré ; • Des méthodes et suggestions pour animer un atelier Novlangue. Bonne lecture… et bon amusement !
Sommaire
p3 – De la propagande à la langue de bois
(Par Audrey Dye)
Dans les médias, dans la pub, chez les intellectuels ou les politiciens, la langue de bois s’impose comme « la norme ». C’est dit : on nous vole nos mots et on les remplace par d’autres pour nous forcer à voir la réalité sous un angle que d’autres choisissent pour nous.
p6 – L’offensive néolibérale : Idées-fusées et actions-canons
(Par Christine Steinbach)
Le néolibéralisme, qu’est-ce que c’est ? Une certaine vision du monde qui tolère les inégalités ? Un système économique hostile à l’Etat et aux syndicats ? Une nouvelle forme du capitalisme ? Une idéologie ? Il y a un peu de tout cela. Ce qui est clair, c’est que les mots d’aujourd’hui apportent de l’eau au moulin de l’offensive néolibérale.
p8 – Quand la novlangue envahit les médias
(Par Monique Van Dieren)
Les mots utilisés par les sphères économiques et politiques trouvent largement écho dans la presse écrite et audiovisuelle. mais derrière les mots se cachent des idées, voire même une idéologie que les journalistes relayent souvent “à l’insu de leur plein gré…”
p10 – De plus en plus responsables de tout !
(Par Laurent Quoibion)
Devenir responsable est le leit-motiv de la plupart des parents qui souhaitent voir leur progéniture voler un jour de ses propres ailes. une bonne chose ? Oui… sauf qu’en poussant à cette logique de responsabilisation à l’excès en matière de droits et devoirs, nos gouvernants ont vite fait de se débarrasser de Leur responsabilité de veiller à l’intérêt collectif. C’est très clair dans une série de domaines tels que l’emploi, l’environnement, la consommation, la santé…
p12 – Travail, emploi : « Jobs, Jobs, Jobs »… à tout prix ?
(Par Claudia Benedetto)
Charles michel l’a martelé dans son discours de rentrée au parlement le 13 octobre dernier : pour relancer la croissance, il faut des « Jobs, Jobs, Jobs ». trois mots qui ont fait mouche dans les médias et dans l’opinion publique. voilà donc comment un gouvernement de droite envisage une politique de sortie de crise : des (petits) boulots à n’importe quel prix, quitte à brader les salaires, les conditions de travail et la protection sociale. nous allons nous intéresser ici au sens de certains mots : travail, emploi, flexibilité et management.
p14 – Démasquons l’austérité !
(Par Paul Blanjean )
Imposée à de nombreux pays européens depuis quelques années, l’austérité est présentée par ses défenseurs comme la solution miracle à un retour à l’équilibre des finances publiques et à un redéploiement économique. aujourd’hui pourtant, les syndicalistes et les militants de gauche ne sont plus les seuls à dénoncer tant son caractère injuste que son inefficacité économique.
p16 – Jouons avec la Novlangue
Pour comprendre le fonctionnement de la langue de bois, il faut comprendre les mécanismes qui sont utilisés pour détourner des mots ou des concepts. nous proposons ici un jeu de « mots fléchés » (vous trouverez les définitions en page suivante). Le « forfait voyelles » vous aidera peut-être en fournissant déjà toutes les voyelles. un mot est également à découvrir grâce aux lettres en noir : il désigne la dernière figure de style présentée dans cette liste.
p18 – Des ateliers pour se réapproprier les mots
(Par Audrey Dye)
Organiser un atelier « novlangue » : à quoi ça sert et comment ça marche ? C’est sûr, on ne s’y ennuie pas ! Rencontre avec les animatrices d’un atelier novlangue à Charleroi.
Prix au n°
Prix au n° : 2 € (+ frais d’envoi)
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