Les liens, pour prendre soin de soi et des autres ( Contrastes Mars-Avril 2021)
L’art du lien
(La revue est téléchargeable en bas de page.)
Le lien social (au sens large du terme) constitue l’élément central de la vie en société. Nous nous construisons dès la naissance grâce aux liens que nous créons et entretenons avec les autres : famille, camarades de classe, amis, collègues, club sportif, compagnons de lutte, personnel de soins, etc.
La pandémie nous a contraints de manière plus ou moins brutale à rompre les contacts sociaux, qui nous aident pourtant à être plus résilients (mot à la mode pour l’instant) face aux difficultés que nous rencontrons tous à des degrés divers. La crise sanitaire s’éternisant, la plupart d’entre nous ont trouvé quelques petites ou grandes échappatoires à ce manque de liens : les réseaux sociaux, les apéro-zoom, les balades en forêt, la « bulle de 1 » légèrement élargie par exemple. De nouveaux liens se sont créés dans les quartiers ou à travers les coups de main solidaires envers les personnes isolées ou démunies.
Les liens ont rarement été totalement rompus, mais « nous ne sortirons pas indemnes de ce combat livré individuellement et collectivement contre l’ennemi invisible ». Certains encore moins que d’autres, en particulier celles et ceux que l’existence rendait déjà fragile, qui ont connu une perte brutale de revenus ou une séparation conjugale, ou qui ont vécu le décès d’un proche et dont le travail de deuil a été complètement sacrifié.
Pour pouvoir vivre plus sereinement ces bouleversements dans les relations à soi et aux autres, Jean Kabuta, interviewé dans ce numéro, diffuse dans le monde entier une méthode appelée « Kasàlà », un style d’écriture très personnelle qui puise sa source en Afrique et qui développe l’art du lien. Lien avec soi-même pour se sentir bien et avoir une bonne estime de soi, mais aussi lien avec les autres pour partager avec eux une révolte ou une soif de dignité humaine.
La solitude est généralement perçue comme un manque ou une absence de liens. Dans les pays occidentaux, de plus en plus de personnes vivent seules pour des raisons démographiques ou sociologiques. Cette « solitude de résidence » subie ou choisie n’est cependant pas synonyme d’isolement ou d’absence de liens sociaux. Mais dans une société individualisée et libéralisée, l’individu se retrouve de plus en plus seul face à la fragilisation des liens de solidarité, en particulier lors des grandes étapes de son existence (sortie des études, séparation, vieillissement…).
Pour terminer ce tour d’horizon rapide et partiel sur l’importance des liens, ceux qui se créent dans le cadre d’activités de groupes constituent une dimension « thérapeutique » qui n’est pas à négliger : le groupe peut faire du bien, nous changer les idées, nous apporter du réconfort. Mais en psychologie sociale, le rôle du groupe va bien au delà de cette dimension. « En groupe, notre appartenance se transforme en levier de nos pensées et de nos actions. Etre membre d’un groupe est constitutif de notre identité ». Intermédiaires entre les individus et les institutions de pouvoir, les groupes jouent également un rôle essentiel en démocratie. Le petit groupe profite donc autant au bien-être des individus qu’à la société dans son ensemble. En tant que mouvement d’éducation permanente, nous sommes bien placés pour le savoir…
Monique Van Dieren