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Propriété privée : un droit natu­rel ? (Contrastes Août 2015)

Une alliance destruc­­­­­­­­­trice

Propriété privée : un droit naturel ? (Juillet 2015)La recon­­­­­­­­­nais­­­­­­­­­sance légale du sacro-saint droit de propriété, enfant de la Révo­­­­­­­­­lu­­­­­­­­­tion française de 1789, avait pour objec­­­­­­­­­tif d’af­­­­­­­­­fran­­­­­­­­­chir les citoyens de l’ar­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­traire des pouvoirs royaux et reli­­­­­­­­­gieux.

La propriété est deve­­­­­­­­­nue symbole de liber­­­­­­­­­té… du moins pour ceux qui avaient (et ont toujours) la chance de possé­­­­­­­­­der. Possé­­­­­­­­­der les parts d’une entre­­­­­­­­­prise, les briques de sa maison, la fortune de ses parents, les droits d’au­­­­­­­­­teurs de sa créa­­­­­­­­­tion artis­­­­­­­­­tique, les brevets de ses inven­­­­­­­­­tions…

Long­­­­­­­­­temps consi­­­­­­­­­déré comme un droit natu­­­­­­­­­rel, le carac­­­­­­­­­tère sacré de la propriété privée a progres­­­­­­­­­si­­­­­­­­­ve­­­­­­­­­ment et bien heureu­­­­­­­­­se­­­­­­­­­ment connu des restric­­­­­­­­­tions, prin­­­­­­­­­ci­­­­­­­­­pa­­­­­­­­­le­­­­­­­­­ment pour des raisons d’in­­­­­­­­­té­­­­­­­­­rêt géné­­­­­­­­­ral.

Car la propriété privée, asso­­­­­­­­­ciée à la notion de liberté (d’en­­­­­­­­­tre­­­­­­­­­prendre, de possé­­­­­­­­­der, de commer­­­­­­­­­cia­­­­­­­­­li­­­­­­­­­ser, de créer… ) entre souvent en conflit avec les notions de propriété collec­­­­­­­­­tive et de bien commun.

Une autre source de conflit provient du pouvoir que procure la propriété privée. C’était vrai dans le passé, et ce l’est de plus en plus aujourd’­­­­­­­­­hui avec la finan­­­­­­­­­cia­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­tion du capi­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­lisme ; propriété privée et pouvoir forment la plupart du temps une alliance destruc­­­­­­­­­trice. C’est pour lutter contre cette alliance que se sont créées les premières coopé­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­tives et que se sont déve­­­­­­­­­lop­­­­­­­­­pées les expé­­­­­­­­­riences d’en­­­­­­­­­tre­­­­­­­­­prises auto­­­­­­­­­gé­­­­­­­­­rées au milieu des années ’70 en Belgique.

De même, c’est pour lutter contre la confis­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­tion de la nature par les géants agro-alimen­­­­­­­­­taires du type Monsanto, que des coopé­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­tives paysannes voient le jour un peu partout dans le monde. Ou que les logi­­­­­­­­­ciels infor­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­tiques libres se déve­­­­­­­­­loppent pour s’af­­­­­­­­­fran­­­­­­­­­chir des empires Google ou Micro­­­­­­­­­soft.

Afin de rompre avec le mono­­­­­­­­­pole du pouvoir que procure la propriété des moyens de produc­­­­­­­­­tion et du capi­­­­­­­­­tal, la socio­­­­­­­­­logue de l’UCL Isabelle Ferre­­­­­­­­­ras(1) s’at­­­­­­­­­taque au tabou de la propriété privée des acti­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­tés écono­­­­­­­­­miques en propo­­­­­­­­­sant un modèle de gouver­­­­­­­­­nance « bica­­­­­­­­­mé­­­­­­­­­ral » des entre­­­­­­­­­prises, qui répar­­­­­­­­­tit de manière équi­­­­­­­­­table le pouvoir entre le capi­­­­­­­­­tal et le travail au sein des entre­­­­­­­­­prises – y compris multi­­­­­­­­­na­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­nales -, ce qui implique de repen­­­­­­­­­ser radi­­­­­­­­­ca­­­­­­­­­le­­­­­­­­­ment la struc­­­­­­­­­ture juri­­­­­­­­­dique de celles-ci.

Utopie au stade actuel, cette réflexion qui fait son chemin a le mérite de mettre le doigt sur ce qui contri­­­­­­­­­bue à renfor­­­­­­­­­cer les inéga­­­­­­­­­li­­­­­­­­­tés, à savoir l’ap­­­­­­­­­pro­­­­­­­­­pria­­­­­­­­­tion par quelques-uns des acti­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­tés écono­­­­­­­­­miques au détri­­­­­­­­­ment du bien commun.

1. Isabelle Ferre­­­­­­­­­ras, Gouver­­­­­­­­­ner le capi­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­lisme ?, Paris, PUF, 2012

Sommaire

p3 – Un droit issu de la révo­­­­­­­­­lu­­­­­­­­­tion française
(Par Chris­­­­­­­­­tine Stein­­­­­­­­­bach)
Depuis 1789, la propriété privée est un droit fonda­­­­­­­­­men­­­­­­­­­tal repris plus tard dans des consti­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­tions et dans le droit inter­­­­­­­­­­­­­­­­­na­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­nal. La Révo­­­­­­­­­lu­­­­­­­­­tion française de 1789 a posé comme droit natu­­­­­­­­­rel celui de dispo­­­­­­­­­ser de soi-même et de ses biens, proté­­­­­­­­­geant ainsi la personne de l’ar­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­traire du pouvoir. Mais qu’est-ce qu’un droit natu­­­­­­­­­rel ? Et si les droits ne s’ac­­­­­­­­­com­­­­­­­­­pagnent pas de moyens pour les accor­­­­­­­­­der à tous, qui peut deve­­­­­­­­­nir proprié­­­­­­­­­taire ?

p6 – Voleurs de machines ?
(Par Nico­­­­­­­­­las Verschue­­­­­­­­­ren, maître de confé­­­­­­­­­rence à l’ULB)
Dans le monde du travail, les outils de produc­­­­­­­­­tion appar­­­­­­­­­tiennent rare­­­­­­­­­ment au employés ou ouvriers qui les utilisent quoti­­­­­­­­­dien­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­ment pour produire de la richesse. Un état de fait qui n’a pas toujours existé, et contre lequel de nombreux travailleurs ont d’ailleurs toujours lutté…

p10 – Inter­­­­­­­­­view : Raoul Hede­­­­­­­­­bouw : Chan­­­­­­­­­ger les rapports de force dans l’en­­­­­­­­­tre­­­­­­­­­prise
(Par Muriel Vander­­­­­­­­­borght et Clau­­­­­­­­­dia Bene­­­­­­­­­detto)
Ardent défen­­­­­­­­­seur de la propriété collec­­­­­­­­­tive, le PTB a remis sur la table le débat sur les natio­­­­­­­­­na­­­­­­­­­li­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­tions d’en­­­­­­­­­tre­­­­­­­­­prises en 2013, lors de l‘an­­­­­­­­­nonce de Mittal d’aban­­­­­­­­­don­­­­­­­­­ner l’ou­­­­­­­­­til sidé­­­­­­­­­rur­­­­­­­­­gique liégeois. Nous avons demandé au parle­­­­­­­­­men­­­­­­­­­taire Raoul Hede­­­­­­­­­bouw (PTB) quels sont les enjeux impor­­­­­­­­­tants en la matière et comment son parti envi­­­­­­­­­sage la mise en place d’une natio­­­­­­­­­na­­­­­­­­­li­­­­­­­­­sa­­­­­­­­­tion de certains secteurs clefs de notre écono­­­­­­­­­mie.

p14 – Entre rente et inno­­­­­­­­­va­­­­­­­­­tion
(Par Benoît Dassy)
Les brevets et les droits d’au­­­­­­­­­teurs nous rappellent que la propriété privée ne s’ap­­­­­­­­­plique pas seule­­­­­­­­­ment aux briques de sa maison ou aux machines de son entre­­­­­­­­­prise. Nous pouvons égale­­­­­­­­­ment être proprié­­­­­­­­­taires de notre travail intel­­­­­­­­­lec­­­­­­­­­tuel, de notre créa­­­­­­­­­tion artis­­­­­­­­­tique ou de nos inven­­­­­­­­­tions. Une manière de rému­­­­­­­­­né­­­­­­­­­rer le travail de certaines profes­­­­­­­­­sions, mais qui pose ques­­­­­­­­­tion sur les limites de ce droit de propriété et sur l’usage qui en est fait.

p16 – Quand la gratuité du vivant dérange
(Par Muriel Vander­­­­­­­­­borght )
S’ap­­­­­­­­­pro­­­­­­­­­prier une séquence ADN, une variété de semence, un gène animal, mono­­­­­­­­­po­­­­­­­­­li­­­­­­­­­ser la gestion de ressources natu­­­­­­­­­relles comme l’eau, les zones de pêche, les espaces fores­­­­­­­­­tiers… vous n’y pensez peut-être pas. Dommage, d’autres le font pour vous ! Avec les brevets sur le vivant, c’est en effet un marché vaste et très rentable qui s’est ouvert pour les multi­­­­­­­­­na­­­­­­­­­tio­­­­­­­­­na­­­­­­­­­les…

Prix au n°

Prix au n°  : 2 € (+ frais d’en­­­­­­­­­voi)
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