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Quand la crise sani­taire fait explo­ser la crise du loge­ment

Article paru dans « CORONAVIRUS : SUBIR LE MONDE OU LE RÉINVENTER » (Contrastes, p.4, Mars-Avril 2020)

Nous vivons dans une société dans laquelle les inéga­­­­­li­­­­­tés sont struc­­­­­tu­­­­­relles. La crise sani­­­­­taire que nous traver­­­­­sons aggrave encore ces inéga­­­­­li­­­­­tés, et ne fait pas peser les mêmes risques sur chacun.e d’entre nous. Les asso­­­­­cia­­­­­tions et collec­­­­­tifs mobi­­­­­li­­­­­sés pour le droit au loge­­­­­ment reven­­­­­diquent des chan­­­­­ge­­­­­ments struc­­­­­tu­­­­­rels.

Le gouver­­­­­ne­­­­­ment fédé­­­­­ral a annoncé qu’il pren­­­­­drait des mesures en matière de santé et en matière écono­­­­­mique. Il nous a aussi annoncé que nous devions rester confiné.e.s… Mais aucun mot sur le loge­­­­­ment. Nous recon­­­­­nais­­­­­sons la néces­­­­­sité du confi­­­­­ne­­­­­ment. Mais être confiné.e chez soi ne revêt pas du tout la même réalité selon notre condi­­­­­tion sociale.

En effet, de nombreuses personnes sont mal logé.e.s : vivant à 6 dans 40 m², dans un loge­­­­­ment insa­­­­­lubre. Ou sont non logées,  vivant à la rue ou en promis­­­­­cuité dans des centres d’hé­­­­­ber­­­­­ge­­­­­ment d’ur­­­­­gence. Ou encore sont sans-papiers, donc vivant dans la peur des actions poli­­­­­cières. Enfin, certaines sont menacé.e.s et apeuré.e.s dans leur propre loge­­­­­ment, par les violences conju­­­­­gales ou fami­­­­­liales ;

Ainsi, tandis que certain.e.s bossent à domi­­­­­cile, et que d’autres auront la « chance » d’ob­­­­­te­­­­­nir une aide sociale, des milliers de personnes vont subir la double peine : être confiné.e.s dans un chez eux parfois déplo­­­­­rable voire dange­­­­­reux, sans revenu. Non, cette crise ne touchera pas tout le monde de la même façon.

C’est pourquoi, nous, asso­­­­­cia­­­­­tions et collec­­­­­tifs mobi­­­­­li­­­­­sés pour le droit au loge­­­­­ment, reven­­­­­diquons des chan­­­­­ge­­­­­ments struc­­­­­tu­­­­­rels. Les mesures que nous préco­­­­­ni­­­­­sons ne sauraient être tempo­­­­­raires. Elles sont simple­­­­­ment urgentes et néces­­­­­saires. Nous saluons certaines mesures déjà prises (prolon­­­­­ga­­­­­tion de la trêve hiver­­­­­nale de Vivaqua, inter­­­­­­­­­dic­­­­­tion des expul­­­­­sions domi­­­­­ci­­­­­liaires dans les 3 Régions durant le confi­­­­­ne­­­­­ment, réqui­­­­­si­­­­­tion d’hô­­­­­tels pour le confi­­­­­ne­­­­­ment des personnes sans abri…) mais souli­­­­­gnons aussi l’im­­­­­por­­­­­tance de les péren­­­­­ni­­­­­ser.

Nous deman­­­­­dons :

  • Un mora­­­­­toire prolongé sur toutes les expul­­­­­sions et l’an­­­­­nu­­­­­la­­­­­tion de la loi anti-squat ;
  • Des solu­­­­­tions de loge­­­­­ment immé­­­­­diates pour les personnes sans-abri. Et à plus long terme, réqui­­­­­si­­­­­tion des loge­­­­­ments publics et privés vides ;
  • Jusqu’à la fin de la crise sani­­­­­taire et écono­­­­­mique, une possi­­­­­bi­­­­­lité de suspen­­­­­sion du paie­­­­­ment du loyer ou de baisse de loyer pour les ménages affec­­­­­tés par la crise ;
  • Un arrêt total des coupures d’éner­­­­­gie et de limi­­­­­ta­­­­­tion des débits d’eau. Une géné­­­­­ra­­­­­li­­­­­sa­­­­­tion d’un tarif social sur l’éner­­­­­gie et l’eau et la mise à dispo­­­­­si­­­­­tion d’un accès gratuit à l’eau d’hy­­­­­giène dans des struc­­­­­tures publiques ;
  • Jusqu’à la fin de la crise sani­­­­­taire et écono­­­­­mique, une protec­­­­­tion finan­­­­­cière pour toutes les personnes ayant un travail précaire et qui ne béné­­­­­fi­­­­­cie­­­­­ront pas d’une allo­­­­­ca­­­­­tion de rempla­­­­­ce­­­­­ment (personnes vivant de la mendi­­­­­cité, travailleur.euse.s du sexe, étudiant.e.s, travailleur.euse.s non déclaré.e.s avec ou sans papiers,…): un fonds social pour les travailleur.euse.s à la marge ;
  • La libé­­­­­ra­­­­­tion des déte­­­­­nu·e·s en déten­­­­­tion préven­­­­­tive qui ne présentent pas de danger pour autrui ; la libé­­­­­ra­­­­­tion de tou·­­­­­te·s les déte­­­­­nu·e·s âgé·e·s ou malades, le recours à la libé­­­­­ra­­­­­tion condi­­­­­tion­­­­­nelle dans un maxi­­­­­mum de cas où cela est envi­­­­­sa­­­­­geable ; et des solu­­­­­tions de relo­­­­­ge­­­­­ment d’ur­­­­­gence pour celles et ceux qui en auraient besoin ;
  • La mise en place de mesures permet­­­­­tant de limi­­­­­ter au maxi­­­­­mum les inves­­­­­tis­­­­­se­­­­­ments dans l’im­­­­­mo­­­­­bi­­­­­lier par les inves­­­­­tis­­­­­seurs insti­­­­­tu­­­­­tion­­­­­nels et les fonds spécu­­­­­la­­­­­tifs. Nos villes ne peuvent pas subir une nouvelle augmen­­­­­ta­­­­­tion des prix de ventes et de loca­­­­­tions !

Avec quel argent ?

Une grande partie des mesures que nous préco­­­­­ni­­­­­sons ne coûtent rien, ou sont même moins coûteuses (libé­­­­­ra­­­­­tion des déte­­­­­nus en préven­­­­­tive, ferme­­­­­ture des centres fermés, etc).

Pour les autres, nous pouvons collec­­­­­ti­­­­­ve­­­­­ment trou­­­­­ver des solu­­­­­tions. Pour commen­­­­­cer, exigeons la mise à contri­­­­­bu­­­­­tion des multi­­­­­na­­­­­tio­­­­­nales et autres grandes entre­­­­­prises ultra-béné­­­­­fi­­­­­ciaires par l’an­­­­­nu­­­­­la­­­­­tion du verse­­­­­ment des divi­­­­­dendes à leurs action­­­­­naires. Ensuite, exigeons un mora­­­­­toire sur le rembour­­­­­se­­­­­ment de la dette publique (30 milliards de capi­­­­­tal arri­­­­­vant à échéance) et une suspen­­­­­sion immé­­­­­diate du rembour­­­­­se­­­­­ment des inté­­­­­rêts (10 milliards d’eu­­­­­ros sur une année). L’Union euro­­­­­péenne vient de suspendre ses règles budgé­­­­­taires (1050 milliards d’eu­­­­­ros injec­­­­­tés), des fonds sont donc dispo­­­­­nibles. La BCE a débloqué 750 milliards pour sauver l’éco­­­­­no­­­­­mie et calmer les places bour­­­­­sières. Que sera-t-il fait pour sauver l’ac­­­­­tion sociale, renflouer la protec­­­­­tion sociale, renfor­­­­­cer les droits fonda­­­­­men­­­­­taux… ?

Dès la fin des mesures de confi­­­­­ne­­­­­ment, nous repren­­­­­drons nos espaces publics, notre mobi­­­­­lité, notre droit à la ville, pour déter­­­­­mi­­­­­ner ensemble ce que nous voulons comme société. Repen­­­­­sons nos prio­­­­­ri­­­­­tés, orga­­­­­ni­­­­­sons-nous collec­­­­­ti­­­­­ve­­­­­ment, favo­­­­­ri­­­­­sons les secteurs d’ac­­­­­ti­­­­­vi­­­­­tés et les services dont nous avons le plus besoin ! L’in­­­­­té­­­­­rêt collec­­­­­tif doit primer sur les inté­­­­­rêts finan­­­­­ciers. La crise du coro­­­­­na­­­­­vi­­­­­rus doit être l’oc­­­­­ca­­­­­sion de repen­­­­­ser notre avenir commun !

Signa­­­­­taires : 45 asso­­­­­cia­­­­­tions actives dans le droit au loge­­­­­ment, dont les Equipes Popu­­­­­laires

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