Analyses

Réforme de la justice | Un chan­tier perverti par l’ob­ses­sion budgé­taire (décembre 2018)

Auteure : Monique Van Dieren, Contrastes décembre 2018, p 6 à 9

© Les Equipes Popu­­­­­­­laires

Enta­­­­­­­mée par la précé­­­­­­­dente légis­­­­­­­la­­­­­­­ture, la réforme de la justice est un chan­­­­­­­tier pharao­­­­­­­nique tant les besoins sont énormes. Le leit­­­­­­­mo­­­­­­­tiv est de dépous­­­­­­­sié­­­­­­­rer les insti­­­­­­­tu­­­­­­­tions et de simpli­­­­­­­fier les procé­­­­­­­dures. Des inten­­­­­­­tions louables, mais qui passent diffi­­­­­­­ci­­­­­­­le­­­­­­­ment la rampe quand l’injonc­­­­­­­tion du gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment est de faire mieux avec, chaque année, de moins en moins de moyens finan­­­­­­­ciers et humains.

Cela fait plus de vingt ans qu’on parle de réforme de la justice en Belgique, et le chan­­­­­­­tier est loin d’être terminé. Les années ‘80 ont en effet été celles des Tueries du Brabant puis de l’af­­­­­­­faire Dutroux en 1996, révé­­­­­­­lant toutes deux ce que l’on a appelé de graves dysfonc­­­­­­­tion­­­­­­­ne­­­­­­­ments dans la police et la justice.
Du côté de la police, une restruc­­­­­­­tu­­­­­­­ra­­­­­­­tion complète des services a eu lieu dès 1999. Pour la justice par contre, il n’en fut pas de même. Entre 2000 et 2010, tous les gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ments succes­­­­­­­sifs ont tenté de s’at­­­­­­­te­­­­­­­ler à une réforme en profon­­­­­­­deur du système judi­­­­­­­ciaire, mais la lour­­­­­­­deur des procé­­­­­­­dures et les longues crises gouver­­­­­­­ne­­­­­­­men­­­­­­­tales ont freiné le proces­­­­­­­sus entamé.

Or, les problèmes ont persisté et se sont aggra­­­­­­­vés. L’ar­­­­­­­riéré judi­­­­­­­ciaire, les acquit­­­­­­­te­­­­­­­ments dans les dossiers de grande fraude fiscale pour cause de dépas­­­­­­­se­­­­­­­ment des délais, la surpo­­­­­­­pu­­­­­­­la­­­­­­­tion dans les prisons entrai­­­­­­­nant la non-exécu­­­­­­­tion des peines légères ; tous ces éléments et bien d’autres ont rompu dura­­­­­­­ble­­­­­­­ment la confiance des citoyens envers la justice.

Une première phase sous le gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment Di Rupo

En 2011, le gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment Di Rupo et sa ministre de la Justice Anne­­­­­­­mie Turtel­­­­­­­boom (OpenVLD) jette les bases d’une réforme qui sera adop­­­­­­­tée le 1er décembre 2013, qui s’in­­­­­­­ti­­­­­­­tule « loi portant réforme des arron­­­­­­­dis­­­­­­­se­­­­­­­ments judi­­­­­­­ciaires et modi­­­­­­­fiant le code judi­­­­­­­ciaire en vue d’une plus grande mobi­­­­­­­lité des membres de l’Ordre judi­­­­­­­ciaire1« . Une deuxième loi du 18 février 2014 porte sur « l’in­­­­­­­tro­­­­­­­duc­­­­­­­tion auto­­­­­­­nome pour l’or­­­­­­­ga­­­­­­­ni­­­­­­­sa­­­­­­­tion judi­­­­­­­ciaire ». Les trois lignes de force de la réforme de la justice adop­­­­­­­tées fin 2013 par le gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment Di Rupo sont donc le redé­­­­­­­cou­­­­­­­page terri­­­­­­­to­­­­­­­rial, la mobi­­­­­­­lité du person­­­­­­­nel et l’au­­­­­­­to­­­­­­­no­­­­­­­mie de gestion.

Le premier grand chan­­­­­­­ge­­­­­­­ment à partir de 2014 porte sur le redé­­­­­­­cou­­­­­­­page et surtout la dimi­­­­­­­nu­­­­­­­tion du nombre d’ar­­­­­­­ron­­­­­­­dis­­­­­­­se­­­­­­­ments judi­­­­­­­ciaires : ils sont passés de 27 à 12. En réalité, une série de « divi­­­­­­­sions » (27 au total) ont été regrou­­­­­­­pées en 12 arron­­­­­­­dis­­­­­­­se­­­­­­­ments qui corres­­­­­­­pondent grosso modo aux provinces. Les tribu­­­­­­­naux de première instance et les tribu­­­­­­­naux de police sont orga­­­­­­­ni­­­­­­­sés suivant ces 12 arron­­­­­­­dis­­­­­­­se­­­­­­­ments judi­­­­­­­ciaires. Les justices de paix restent orga­­­­­­­ni­­­­­­­sées dans les cantons (187 au total), mais leur nombre dimi­­­­­­­nuera progres­­­­­­­si­­­­­­­ve­­­­­­­ment (déjà 20 en moins en 2017). Pourquoi réduire le nombre ? « Pour mieux répar­­­­­­­tir la charge de travail entre les justices de paix », affir­­­­­­­mait le gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment. « Pour faire des écono­­­­­­­mies sur le dos des justi­­­­­­­ciables », répon­­­­­­­dait l’op­­­­­­­po­­­­­­­si­­­­­­­tion après la suppres­­­­­­­sion des premiers cantons en 2017.

La deuxième ligne de force de la réforme est la mobi­­­­­­­lité du person­­­­­­­nel judi­­­­­­­ciaire. Puisqu’on a agrandi les terri­­­­­­­toires en dimi­­­­­­­nuant le nombre d’ar­­­­­­­ron­­­­­­­dis­­­­­­­se­­­­­­­ments, la loi prévoit une plus grande mobi­­­­­­­lité des magis­­­­­­­trats, c’est-à-dire des juges de paix, des juges du tribu­­­­­­­nal de police et les autres magis­­­­­­­trats. Ceux-ci devront circu­­­­­­­ler d’une divi­­­­­­­sion à l’autre en fonc­­­­­­­tion des pénu­­­­­­­ries de magis­­­­­­­trats. Les juges de paix et les juges du tribu­­­­­­­nal de police peuvent égale­­­­­­­ment être délé­­­­­­­gués dans un autre arron­­­­­­­dis­­­­­­­se­­­­­­­ment, et doivent accep­­­­­­­ter d’être « inter­­­­­­­­­­­­­chan­­­­­­­geables ».

Le troi­­­­­­­sième volet de la réforme 2012–2014 porte sur une plus grande auto­­­­­­­no­­­­­­­mie de gestion des tribu­­­­­­­naux, afin que ceux-ci puissent eux-mêmes déci­­­­­­­der de l’af­­­­­­­fec­­­­­­­ta­­­­­­­tion du person­­­­­­­nel et des moyens selon les besoins et les circons­­­­­­­tances, sans dépendre du ministre de la Justice. Cette réforme vise égale­­­­­­­ment une simpli­­­­­­­fi­­­­­­­ca­­­­­­­tion des procé­­­­­­­dures, mais a néces­­­­­­­sité l’adap­­­­­­­ta­­­­­­­tion et la mise en place d’une série d’or­­­­­­­ganes de régu­­­­­­­la­­­­­­­tion et de procé­­­­­­­dures de contrôle.

Le plan Justice du gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment Michel

Cette réforme n’était que l’avant-goût d’un autre grand chan­­­­­­­tier appelé « Plan Justice2 » adopté par le gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment Michel, dont le ministre de la Justice Koen Geens a été chargé de la mise en œuvre. Selon ce dernier, « il s’agit de rendre la justice plus effi­­­­­­­ciente et donc, plus équi­­­­­­­table. Si nous n’in­­­­­­­ter­­­­­­­ve­­­­­­­nons pas d’ur­­­­­­­gence, il devien­­­­­­­dra en effet diffi­­­­­­­cile de dispen­­­­­­­ser une bonne justice, non seule­­­­­­­ment d’un point de vue budgé­­­­­­­taire, mais aussi sous l’as­­­­­­­pect fonc­­­­­­­tion­­­­­­­nel. Il est impor­­­­­­­tant de se recen­­­­­­­trer sur les tâches essen­­­­­­­tielles de la Justice : de trop nombreuses règles et procé­­­­­­­dures ne servent pas la vraie justice sociale. »

S’il est clair que le fonc­­­­­­­tion­­­­­­­ne­­­­­­­ment de la justice avait un impé­­­­­­­rieux besoin d’être dépous­­­­­­­siéré et simpli­­­­­­­fié, nous avons des doutes sur l’in­­­­­­­ten­­­­­­­tion de ce gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment de faire de la justice un réel instru­­­­­­­ment au service de la justice socia­­­­­­­le…

Ce plan Justice va en réalité boule­­­­­­­ver­­­­­­­ser profon­­­­­­­dé­­­­­­­ment tous les domaines du droit. Il a été concré­­­­­­­tisé dans ce qui a été appelé les « Lois pot-pourri », qui ont été au nombre de six au cours de cette légis­­­­­­­la­­­­­­­ture. Elles portent en effet bien leur nom, car chacune d’entre elle comprend une série de dispo­­­­­­­si­­­­­­­tions qui touchent des sous-domaines très divers (voir enca­­­­­­­dré). Elles concernent tous les aspects de droit civil, pénal et orga­­­­­­­ni­­­­­­­sa­­­­­­­tion­­­­­­­nel de la justice.
Une troi­­­­­­­sième étape (2018-…) est d’ores et déjà prévue. Elle sera consa­­­­­­­crée à la réécri­­­­­­­ture des codes de droit : le Code pénal, le Code d’ins­­­­­­­truc­­­­­­­tion crimi­­­­­­­nelle, le Code civil, le Code du commerce. Ce sera un des chan­­­­­­­tiers du prochain gouver­­­­­­­ne­­­­­­­ment…

On l’aura compris, ce grand chan­­­­­­­tier modi­­­­­­­fiera en profon­­­­­­­deur le fonc­­­­­­­tion­­­­­­­ne­­­­­­­ment de ce troi­­­­­­­sième pouvoir qu’est la justice et devrait prendre une dizaine d’an­­­­­­­nées, c’est-à-dire jusqu’en 2024. Le procu­­­­­­­reur géné­­­­­­­ral de la Cour d’ap­­­­­­­pel de Mons recon­­­­­­­naît que « En quatre années, le monde judi­­­­­­­ciaire s’est vu comme jamais aupa­­­­­­­ra­­­­­­­vant assailli, pilonné, bombardé, inondé, submergé d’une quan­­­­­­­tité de réformes multiples. Force est de consta­­­­­­­ter que ce ministre de la Justice, quali­­­­­­­fié par d’au­­­­­­­cuns de « rouleau compres­­­­­­­seur norma­­­­­­­tif « , n’est pas resté inac­­­­­­­tif. »3

Des grains de sable dans le rouleau compres­­­­­­­seur

On se doute que le ministre ne s’est pas fait que des amis dans le monde judi­­­­­­­ciaire, notam­­­­­­­ment auprès de la Cour consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nelle qui a recalé de nombreuses dispo­­­­­­­si­­­­­­­tions reprises dans les lois Pot-pourri. Dans la loi Pot-pourri 2, ce ne sont pas moins de 5 dispo­­­­­­­si­­­­­­­tions sur les 11 prévues par la loi qui ont été reca­­­­­­­lées4.
Cela pose cepen­­­­­­­dant problème lorsque l’avis de la Cour est prononcé près de deux ans après l’en­­­­­­­trée en vigueur de la loi. Ce fut le cas du trai­­­­­­­te­­­­­­­ment de certains procès crimi­­­­­­­nels en cours, qui sont trai­­­­­­­tés en correc­­­­­­­tion­­­­­­­nelle suite au vote de la loi Pot-pourri 2 en février 2016 alors qu’ils auraient dû, selon la Cour consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nelle, être trai­­­­­­­tés en Cour d’as­­­­­­­sises (la seule qui contient un jury popu­­­­­­­laire).

Un autre exemple de dispo­­­­­­­si­­­­­­­tion reca­­­­­­­lée par la Cour consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nelle, c’est celle de la réforme de l’aide juri­­­­­­­dique. En janvier 2017, une tren­­­­­­­taine d’as­­­­­­­so­­­­­­­cia­­­­­­­tions dépose un recours auprès de la Cour consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nelle contre la loi du 6 juillet 2016 qui avait réformé l’aide juri­­­­­­­dique. En mars 2018, premier revi­­­­­­­re­­­­­­­ment du ministre sur la reva­­­­­­­lo­­­­­­­ri­­­­­­­sa­­­­­­­tion des indem­­­­­­­ni­­­­­­­tés des avocats pro deo. Et en juin dernier, la Cour consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nelle a donné raison aux asso­­­­­­­cia­­­­­­­tions : le fait de devoir payer une contri­­­­­­­bu­­­­­­­tion forfai­­­­­­­taire pour avoir droit à l’aide juri­­­­­­­dique est illé­­­­­­­gal .

Le projet de loi sur les visites domi­­­­­­­ci­­­­­­­liaires a quant à lui été mis au frigo, égale­­­­­­­ment sous la pres­­­­­­­sion du monde asso­­­­­­­cia­­­­­­­tif et d’une partie impor­­­­­­­tante du milieu judi­­­­­­­ciaire qui, outre le senti­­­­­­­ment d’une véri­­­­­­­table chasse aux migrants rappe­­­­­­­lant de sombres années, y voit égale­­­­­­­ment un danger en termes de viola­­­­­­­tion de la vie privée et de non-respect des procé­­­­­­­dures légales (la justice n’ayant quasi plus rien à dire dans la déli­­­­­­­vrance d’un mandat de perqui­­­­­­­si­­­­­­­tion).

Le projet de loi rela­­­­­­­tif à la suppres­­­­­­­sion du juge d’ins­­­­­­­truc­­­­­­­tion fait quant à lui face à l’op­­­­­­­po­­­­­­­si­­­­­­­tion quasi unanime dans le monde judi­­­­­­­ciaire, qui estime qu’il était possible d’amé­­­­­­­lio­­­­­­­rer les procé­­­­­­­dures sans pour autant boule­­­­­­­ver­­­­­­­ser aussi profon­­­­­­­dé­­­­­­­ment le Code d’ins­­­­­­­truc­­­­­­­tion crimi­­­­­­­nelle.

Un autre petit caillou dans la chaus­­­­­­­sure du ministre, c’est la compa­­­­­­­ti­­­­­­­bi­­­­­­­lité de certaines mesures avec le droit de l’Union euro­­­­­­­péenne, et notam­­­­­­­ment avec la protec­­­­­­­tion des consom­­­­­­­ma­­­­­­­teurs. C’est par exemple le cas de la possi­­­­­­­bi­­­­­­­lité pour les entre­­­­­­­prises de récu­­­­­­­pé­­­­­­­rer direc­­­­­­­te­­­­­­­ment des factures impayées ou contes­­­­­­­tées, sans devoir passer par un juge. C’est ce qu’on appelle aussi « l’injonc­­­­­­­tion de payer », procé­­­­­­­dure très contes­­­­­­­table contre laquelle la plate­­­­­­­forme Jour­­­­­­­née sans crédit se mobi­­­­­­­lise depuis plusieurs années car inéqui­­­­­­­table pour les consom­­­­­­­ma­­­­­­­teurs et contraire au droit euro­­­­­­­péen.

La râpe à fromage de l’aus­­­­­­­té­­­­­­­rité

Comme tous les services à la collec­­­­­­­ti­­­­­­­vité, le budget de la justice est soumis à une cure d’aus­­­­­­­té­­­­­­­rité qui l’oblige à réali­­­­­­­ser 10% d’éco­­­­­­­no­­­­­­­mie sur la légis­­­­­­­la­­­­­­­ture, alors que les besoins ne font qu’aug­­­­­­­men­­­­­­­ter : augmen­­­­­­­ta­­­­­­­tion du nombre de dossiers en justice, allon­­­­­­­ge­­­­­­­ment des peines de prison et de la déten­­­­­­­tion préven­­­­­­­tive, arriéré judi­­­­­­­ciaire, infra­s­­­­­­truc­­­­­­­tures obso­­­­­­­lè­­­­­­­tes…

Or, le Conseil consul­­­­­­­ta­­­­­­­tif de la magis­­­­­­­tra­­­­­­­ture rele­­­­­­­vait déjà en 2015 que selon l’OCDE, le budget consa­­­­­­­cré à la justice en Belgique nous plaçait en bas du clas­­­­­­­se­­­­­­­ment par rapport à la moyenne euro­­­­­­­péenne : 0,7% du PNB en 2014, alors que la moyenne euro­­­­­­­péenne est de 2,5% du PNB et même 4% dans les pays envi­­­­­­­ron­­­­­­­nants.

Une clé de lecture qui permet de comprendre que la « logique de la râpe à fromage » (faire des écono­­­­­­­mies partout où on peut, parfois jusqu’à l’os) prend géné­­­­­­­ra­­­­­­­le­­­­­­­ment le pas sur l’ac­­­­­­­cès à la justice pour tous ainsi que sur son effi­­­­­­­ca­­­­­­­cité. Rendre les enti­­­­­­­tés plus auto­­­­­­­nomes dans leur gestion, mais réduire le nombre de magis­­­­­­­trats de 10%, c’est évidem­­­­­­­ment nuire à la qualité de leur travail et contri­­­­­­­bue encore un peu plus à ralen­­­­­­­tir les procé­­­­­­­dures et augmen­­­­­­­ter l’ar­­­­­­­riéré judi­­­­­­­ciaire.

Patrick Henry, président de l’as­­­­­­­so­­­­­­­cia­­­­­­­tion Avocats.be, a pris la parole en mars 2015 au nom de l’en­­­­­­­semble du person­­­­­­­nel judi­­­­­­­ciaire pour dénon­­­­­­­cer le manque de moyens. « Il y a des limites infran­­­­­­­chis­­­­­­­sables. Le SPF justice est dans l’in­­­­­­­ca­­­­­­­pa­­­­­­­cité de payer ses four­­­­­­­nis­­­­­­­seurs. Les bâti­­­­­­­ments de justice sont pour la plupart dans un état de déla­­­­­­­bre­­­­­­­ment abomi­­­­­­­nable. Les services de greffe doivent conti­­­­­­­nuer à travailler sans infor­­­­­­­ma­­­­­­­tique ou avec une infor­­­­­­­ma­­­­­­­tique préhis­­­­­­­to­­­­­­­rique. (…) Nous devons accep­­­­­­­ter les critiques justi­­­­­­­fiées mais nous ne pouvons accep­­­­­­­ter des mesures qui frappent tout de façon aveugle et indis­­­­­­­tincte. Des mesures irré­­­­­­­flé­­­­­­­chies qui induisent des restric­­­­­­­tions à l’ac­­­­­­­cès à la justice, d’autres qui mettent en cause le fonc­­­­­­­tion­­­­­­­ne­­­­­­­ment même de l’ins­­­­­­­ti­­­­­­­tu­­­­­­­tion. La Justice, ce n’est pas qu’un SPF (un minis­­­­­­­tère parmi d’autres, ndlr). C’est avant tout l’un des trois pouvoirs consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nels sur lequel se fonde notre démo­­­­­­­cra­­­­­­­tie ».

Le magis­­­­­­­trat Michel De Grève réitère ce constat7 début 2018 en affir­­­­­­­mant que la situa­­­­­­­tion ne cesse de se dégra­­­­­­­der, qu’il y a de plus en plus de dossiers et de moins en moins de magis­­­­­­­trats pour les mener à bien. « Quand M. De Codt, le premier président de la Cour de cassa­­­­­­­tion, a quali­­­­­­­fié la Belgique d’Etat-voyou, j’ai eu envie de rajou­­­­­­­ter que c’est un Etat hors la loi, quand il ne remplit pas le cadre légal du nombre de magis­­­­­­­trats. »

La fronde menée par de nombreux magis­­­­­­­trats (citons égale­­­­­­­ment Manuela Cadelli, inter­­­­­­­­­­­­­viewée en page 10) ne reste cepen­­­­­­­dant pas toujours lettre morte. Soute­­­­­­­nue par des asso­­­­­­­cia­­­­­­­tions de la société civile (ou vice versa), cette fronde a parfois permis de faire recu­­­­­­­ler le ministre sur certains dossiers, tels que la réforme de l’aide juri­­­­­­­dique ou la réin­­­­­­­ser­­­­­­­tion des personnes inter­­­­­­­­­­­­­nées. Mais ce sont de maigres victoires au regard des enjeux. Préci­­­­­­­sé­­­­­­­ment le jour où nous bouclions cet article, la presse faisait état de deux infor­­­­­­­ma­­­­­­­tions révé­­­­­­­la­­­­­­­trices du manque de moyens de la justice : l’éva­­­­­­­cua­­­­­­­tion du palais de Justice de Namur pour cause d’in­­­­­­­sa­­­­­­­lu­­­­­­­brité, et les milliards perdus à cause du manque de moyens pour récu­­­­­­­pé­­­­­­­rer les amendes suite aux condam­­­­­­­na­­­­­­­tions. Deux exemples parmi des centaines, mais qui sont emblé­­­­­­­ma­­­­­­­tiques de l’am­­­­­­­pleur du chan­­­­­­­tier à fina­­­­­­­li­­­­­­­ser.


1. La réforme de l’Ordre judi­­­­­­­ciaire (2012–14)
https://justice.belgium.be/sites/default/files/down­­­­­­­loads/R%C3%A9forme%20de%20l%27OJ.pdf
2. Plan Justice : Plus grande effi­­­­­­­cience pour une meilleure justice, Koen Geens.
http:// https://www.koen­­­­­­­geens.be/fr/poli­­­­­­­tique/plan-justice
3. Regards sur quelques épisodes d’une légis­­­­­­­la­­­­­­­ture bien mouve­­­­­­­men­­­­­­­tée, discours prononcé par I. de la Serna, Procu­­­­­­­reur géné­­­­­­­ral à la Cour d’ap­­­­­­­pel de Mons le 3 septembre 2018.
4. Commu­­­­­­­niqué de presse de la Cour consti­­­­­­­tu­­­­­­­tion­­­­­­­nelle rela­­­­­­­tif à l’ar­­­­­­­rêt 148/2017.
5. Regards sur quelques épisodes d’une légis­­­­­­­la­­­­­­­ture bien mouve­­­­­­­men­­­­­­­tée, discours prononcé par I. de la Serna, Procu­­­­­­­reur géné­­­­­­­ral à la Cour d’ap­­­­­­­pel de Mons le 3 septembre 2018.
6. Un pot-pourri de nouvelles mesures : du mammouth au triple saut. Commu­­­­­­­niqué du 04/11/15 du cabi­­­­­­­net d’avo­­­­­­­cats Schoups.
7. La Belgique est un Etat hors la loi, inter­­­­­­­­­­­­­view accor­­­­­­­dée par Michel De Grève à L’Echo le 6 février 2018.